L’assurance invalidité : la plus importante et la plus négligée

Jean-Sébastien Jutras | 09 décembre 2025, 11h12

La protection la plus essentielle pour tout travailleur est l’assurance invalidité, car elle protège ce que vous avez de plus précieux : votre revenu.

Le risque d’invalidité, beaucoup plus fréquent qu’on le croit

Les chiffres sont clairs : plus d’un quart de la population canadienne, soit 27 %, vit avec un problème médical pouvant mener à une invalidité, selon iA Groupe financier. Entre 2017 et 2022, le nombre de Canadiens rapportant au moins un problème de santé physique ou psychologique a augmenté de 4,7 %. Autrement dit, les probabilités d’être un jour incapable de travailler temporairement ou de façon prolongée sont bien réelles.

Établissons une comparaison : s’assurer contre une éruption volcanique à Québec serait absurde ‒ le risque financier est important, mais la probabilité est nulle. L’invalidité, en revanche, combine ces deux critères : impact financier majeur et probabilité non négligeable. Et c’est précisément la combinaison de ces deux éléments qui devrait guider toute décision d’assurance.

Quand on s’assure, il faut toujours se poser deux questions :

1. Quel serait l’impact financier si ce risque se réalisait ?

2. Quelle est la probabilité que cela m’arrive ?

Si la réponse est « élevée » dans les deux cas, il faut absolument se protéger.

« C’est trop cher ! » – un signe que le risque est réel

J’entends fréquemment cette phrase : « L’assurance invalidité, c’est trop cher. » Et je réponds : « Si c’est cher, c’est parce que le risque est bien présent. » Les primes reflètent la réalité statistique : les sinistres sont nombreux. Contrairement à une assurance vie, rarement réclamée avant la retraite, l’assurance invalidité sert souvent !

Cette couverture peut remplacer de 50 à 70 % de votre revenu net selon le contrat. Sans elle, comment paieriez-vous votre loyer, votre hypothèque, vos factures ? Même une courte période d’invalidité peut déséquilibrer votre budget. Une invalidité de plusieurs mois ou années peut littéralement ruiner un plan financier.

Attention à la fausse sécurité des assurances collectives

Beaucoup de travailleurs croient être bien protégés grâce à leur régime d’assurance collective. Mais en ont-ils vraiment vérifié les détails ?

Parfois, la couverture est imposable, donc le montant net reçu est bien inférieur à ce qu’ils imaginent. De plus, les régimes sont fréquemment plafonnés : par exemple, 70 % des premiers 4 000 $ mensuels, 60 % de la portion 4 001 $ à 6 000 $, puis 50 % au-delà. Ainsi, un salarié gagnant 7 000 $ par mois pourrait ne recevoir net qu’environ 3 900 $. De quoi payer les factures essentielles, mais pas assez pour épargner et pour maintenir son rythme de vie.

Lorsqu’on effectue une analyse de besoins en cas d’invalidité, il n’est pas rare de constater un manque de 1 000 à 3 000 $ par mois. Sans cet argent, plusieurs doivent suspendre leurs cotisations REER ou CELI, ou encore retirer des fonds, ce qui crée un effet boule de neige : une invalidité aujourd’hui peut compromettre votre retraite demain.

Les principales causes d’invalidité : pas celles qu’on croit

Contrairement à ce que croient généralement les gens, la plupart des invalidités ne proviennent pas d’accidents spectaculaires. Selon les données d’iA Groupe financier, les problèmes de santé mentale représentent 41 % des cas d’invalidité de longue durée, loin devant les troubles musculosquelettiques (19 %).

Les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète et les douleurs chroniques suivent de près. Ces problèmes de santé ne font pas de bruit : ils s’installent souvent progressivement, mais leurs conséquences financières sont énormes. Et si l’on considère la durée moyenne d’une invalidité prolongée, elle se compte fréquemment en années, pas en mois. Les effets dépassent le simple salaire : isolement social, perte de confiance et parfois impossibilité de retourner au même poste.

Des contrats très inégaux

Tous les contrats d’assurance invalidité ne se valent pas. Certains produits à bas prix séduisent par leur simplicité : peu de questions médicales, primes abordables, mais exclusions nombreuses.

Il n’est pas rare de voir des polices qui excluent d’office les troubles musculosquelettiques ou psychologiques, autrement dit les deux premières causes d’invalidité au Canada ! Ces contrats ne valent donc pas grand-chose lorsqu’on en a vraiment besoin. À l’inverse, les contrats de qualité offrent une protection complète, couvrent un large éventail de maladies et incluent des options de rachat ou d’inflation.

Votre état de santé actuel et passé peut aussi influencer les conditions du contrat. Par exemple, une personne ayant vécu un épuisement professionnel pourrait voir cette condition exclue du contrat futur. C’est logique : seriez-vous prêt à assurer un ami qui en est à son deuxième épuisement professionnel ? L’assureur non plus.

La clé : une analyse rigoureuse et un bon accompagnement

Choisir une assurance invalidité, c’est un peu comme magasiner un parachute : on espère ne jamais s’en servir, mais le jour où on en a besoin, on veut qu’il soit de qualité.

Avant de signer, il vous faut évaluer le montant nécessaire pour maintenir votre niveau de vie, vérifier les exclusions et définitions (par exemple : qu’est-ce qu’une « occupation raisonnable »?) et analyser la coordination avec d’autres sources de revenu (assurance collective, prestations gouvernementales, etc.).

Les conseillers en sécurité financière sont les seuls professionnels autorisés au Québec à distribuer de l’assurance invalidité individuelle. Leur rôle est d’évaluer vos besoins réels, de décortiquer les contrats et de s’assurer que vous payez pour une couverture qui vous protège vraiment.

En matière d’assurance invalidité, l’ignorance coûte toujours plus cher que la prime.