Retour vers le futur : quand le « flip phone » séduit la jeunesse
Clémence Lamarche | 10 novembre 2025, 08h58
Taper trois fois sur la touche 2 pour écrire un « C » ne vous manque pas? À en croire certains ados, c’est exactement ce qu’il leur faut pour respirer un peu.
La technologie a toujours eu une manière bien à elle de nous surprendre. Mais s’il y a une tendance que je n’avais pas vue venir, c’est bien le grand retour des téléphones à clapet (en anglais : flip phones) et, plus largement, de ce qu’on appelle les dumbphones, des appareils minimalistes conçus essentiellement pour passer des appels et envoyer des textos (en appuyant sur la touche 2 pour obtenir un A, un B ou un C, et ainsi de suite). Ce qui m’étonne encore plus, c’est que cette mouvance semble adoptée principalement par les jeunes. Après une petite vérification auprès de mon entourage, il semble que, même si le phénomène reste marginal, il existe bel et bien des ados et de jeunes adultes qui choisissent délibérément la simplicité extrême en matière de téléphones.
Certains dumbphones reprennent le design emblématique des téléphones à clapet des années 1990. D’autres modèles ressemblent davantage aux téléphones intelligents, mais offrent une expérience volontairement limitée. C’est le cas du Light Phone, qui permet de faire des appels, d’envoyer des messages et d’utiliser quelques fonctions de base (comme un calendrier, la navigation GPS ou l’écoute de balados), le tout sur un écran à encre électronique rappelant celui des liseuses.
- L’Easyfone Prime-A1 (100 $) reprend l’esthétique des années 1990, alors que le Light Phone II (300 $) ressemble plutôt à une version minimaliste d’un téléphone intelligent.
Ce que ces appareils ont en commun, c’est leur accès limité, voire inexistant, à Internet, ainsi que l’impossibilité d’y installer des applications, notamment celles qui permettent de se connecter aux médias sociaux. Et honnêtement, je comprends l’attrait. Qui n’a jamais émergé d’une séance de doomscrolling (défilement morbide, en français) avec une sensation de fatigue écrasante – sans pourtant avoir bougé d’un pouce – et une petite honte en croisant du regard la pile de romans qui attend sur la table de chevet?
Pause d’écran
Amélie Guèvremont, professeure au Département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM), s’est penchée sur les raisons pour lesquelles les jeunes choisissent ces téléphones minimalistes en analysant des vidéos et des commentaires en ligne. « Plusieurs expriment le besoin de retrouver leurs amis dans la vraie vie et de faire une pause des écrans, qui augmentent leur anxiété et nuisent à leur sommeil », explique-t-elle.
En ligne, plusieurs utilisateurs convaincus parlent du sentiment de reprendre le contrôle sur leur temps et de mieux gérer leurs priorités. Dans certains cas, ce sont des parents inquiets qui achètent ces appareils à leur progéniture afin de l’éloigner des distractions du téléphone intelligent. De leur côté, les aînés apprécient ces appareils simples et sans fioritures.
Je ne sais pas si, personnellement, je serais prête à faire le grand saut. Les fonctions de nos téléphones intelligents sont tellement ancrées dans notre quotidien : au travail, où plusieurs systèmes exigent une authentification à partir d’applications précises, ou encore dans nos loisirs, avec des menus de restaurants accessibles uniquement en ligne, sans oublier les billets de spectacles numériques. Et surtout, difficile de renoncer à l’instantanéité des réponses en ligne quand, un samedi soir entre amis, une question du genre surgit : « C’est quoi le plus gros, un jaguar ou un cougar? »