Concilier monoparentalité et santé financière

Emmanuelle Gril | 10 septembre 2024, 10h29

La monoparentalité force à mettre sur la glace bien des projets. Mais ce n’est pas une fatalité, selon Maude Gauthier.

J’ai écrit à maintes reprises à propos de mes enfants, dans cette chronique. Les lecteurs avisés l’auront deviné : je suis mère de famille monoparentale. 

Si ce statut peut causer des difficultés sur le plan financier, c’est pire encore lorsque, comme moi, on est travailleur autonome. Concrètement ? Les banques et les prêteurs m’ont longtemps considérée comme une pestiférée… L’achat de votre propriété en couple, avec deux salaires, vous a semblé complexe ? Imaginez pour une maman solo avec des revenus de pigiste…

Les défis des familles monoparentales

Aujourd’hui, ma situation s’est tout de même améliorée ainsi que ma cote de crédit. Avec un prêt auto, un prêt hypothécaire et une marge de crédit, je suis désormais vue d’un bon œil par les institutions financières. 

Mais nombre de familles monoparentales peinent à joindre les deux bouts. Selon les dernières données disponibles chez Statistique Canada, le revenu médian après impôt d’un ménage comptant un couple avec enfants était de 113 950 $ en 2021, alors que celui d’un ménage monoparental avec enfants s’élève à peine à 53 440 $. Nul besoin d’être comptable pour comprendre ce que cela signifie sur le plan financier. C’est ici que Maude Gauthier arrive à la rescousse !

Maman solo d’un enfant de sept ans, l’auteure, qui écrit pour des publications spécialisées en finances personnelles, explique en entrevue qu’elle-même aurait bien aimé avoir sous la main à l’époque son livre Parents solos, héros du cash flow (éd. Québec Amérique, 2024). « Pour ma part, j’ai dû apprendre sur le tas, c’est pourquoi je souhaite aujourd’hui partager mon bagage de connaissances et le rendre accessible à tous », dit Maude Gauthier.

Dans son ouvrage, elle s’attaque à tous les défis que rencontrent des familles monoparentales : achat d’une auto et d’une maison quand il n’y a qu’un salaire, gestion du budget et des dettes, cote de crédit, placements, succession, tout y passe. 

Elle détaille aussi les avantages fiscaux, aides et allocations disponibles pour les familles monoparentales. Elle recommande d’ailleurs d’intégrer ces prestations au budget pour avoir une idée précise des réelles capacités financières.

L’auteure n’hésite pas non plus à ouvrir ses propres livres de comptes et à donner accès à ses données financières. « Je lis beaucoup d’articles de blogue et j’apprécie particulièrement quand les gens dévoilent leur parcours, indique-t-elle. Cela permet de comprendre qu’ils ne sont pas nécessairement plus riches que nous. J’ai voulu faire la même chose avec mon budget et mes revenus. »

Mêmes projets, organisation différente

D’après Maude Gauthier, pourquoi est-ce compliqué de négocier auprès des banques quand on est un parent solo ? « Parce que l’on est perçu comme un emprunteur plus risqué, en particulier lorsque l’on est travailleur autonome. C’est pourtant faux, car notre expérience nous a appris à nous autogérer, une qualité indispensable pour bien tenir son budget et contrôler ses finances », assure l’auteure, déplorant que les critères d’analyse ne tiennent pas compte de cet aspect.

Son premier conseil : s’éduquer et améliorer sa littératie financière, ce qui constitue néanmoins un enjeu puisque les parents qui élèvent seuls leurs enfants manquent souvent de temps et doivent composer avec une charge mentale accrue. C’est pourtant la clé pour bien s’outiller, moins s’endetter, épargner, mieux placer son argent et apprendre à préparer un budget pour toute la famille avec un revenu unique.

« Les familles monoparentales n’ont pas à renoncer, elles peuvent faire les mêmes projets que les autres. Mais pour y parvenir, elles doivent s’organiser différemment et être conscientes que chaque projet accaparera une proportion plus grande de leur budget que celui d’une famille où les deux membres du couple contribuent », mentionne Maude Gauthier. 

Il leur faudra également faire des choix : par exemple, pour accéder à la propriété, elles devront beaucoup épargner pour accumuler la mise de fonds la plus élevée possible. S’éloigner des centres urbains leur permettra aussi d’avoir accès à des propriétés plus spacieuses et moins coûteuses. Si elles optent pour Montréal ou une grande ville, dans ce cas, privilégier les transports en commun évitera les dépenses reliées à une automobile et aidera à économiser davantage. Lorsqu’une voiture est malgré tout indispensable, se tourner vers un véhicule d’occasion plutôt qu’une coûteuse automobile flambant neuve peut générer de belles économies. 

Tout au long de l’ouvrage, l’auteure fournit des tableaux, modèles de budget, grilles comparatives et éléments de réflexion, par exemple pour déterminer s’il est plus avantageux de déménager plus loin et d’avoir une auto ou, au contraire, de rester en ville. Elle propose aussi des stratégies pour rassurer les banques, des astuces pour mieux investir, et même des recommandations à suivre au cas où l’envie de reformer un couple surgirait en chemin.

Une famille prospère, même sans partenaire 

La preuve que sa méthode fonctionne ? Avec des revenus variant de 15 000 $ à 93 000 $ par an entre 2013 et 2023, Maude Gauthier a malgré tout réussi à s’acheter une maison. Et plutôt deux fois qu’une, puisqu’au moment de l’entrevue, elle venait d’emménager dans sa troisième propriété. Elle a d’ailleurs un message à livrer aux familles monoparentales. « Le fait d’être seul ne devrait pas constituer un obstacle, mais un élément de motivation supplémentaire », conclut-elle, assurant qu’il est possible d’élever une famille prospère, même sans partenaire.

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