Google et les assurances

Emmanuelle Gril | 09 novembre 2022, 11h33

Si un assureur a refusé de couvrir votre propriété, sachez qu’Internet et les réseaux sociaux y sont peut-être pour quelque chose.

Une connaissance m’a récemment raconté que lorsqu’elle a voulu renouveler le contrat d’assurance de sa maison, le courtier lui a fait savoir que la compagnie ne couvrirait plus la résidence. La raison invoquée ? Sur une photo tirée de Google Street View, une bâche couvrait une partie de la façade de son garage, laissant supposer que cette dernière était endommagée. Cet élément n’avait pas été mentionné par le propriétaire au moment de faire la mise à jour du dossier.

À la lumière de cette anecdote, je me suis demandé quels moyens un assureur peut utiliser pour obtenir des renseignements sur le bien à assurer. Un conseil : dites toute la vérité, rien que la vérité…

Évaluer le risque

L’assureur veut bien connaître le risque couvert et posera les questions qu’il juge nécessaires : année de construction du bâtiment, âge du chauffe-eau, activités commerciales ayant cours dans l’immeuble, etc. Car, comme le rappelle Me Jannick Desforges, directrice du Service des affaires corporatives, déontologie et conformité à la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD), les compagnies d’assurance déterminent leurs normes de souscription et ne sont pas obligées de prendre tous les risques.

Dans cette quête, un agent pourrait également visiter les lieux ou utiliser les moyens technologiques mis à sa disposition pour visualiser la propriété. Pensons notamment à la fiche descriptive qui se trouve sur les sites de vente ou à des outils comme Google Earth ou Google Street View. Cela fait d’ailleurs partie des bonnes pratiques véhiculées par la ChAD aux courtiers et agents en assurance de dommages.

Et même s’ils la découvrent par hasard en surfant sur les réseaux sociaux, ces professionnels ont l’obligation déontologique de fournir à l’assureur une information que l’assuré n’aurait pas révélée. Me Jannick Desforges donne en exemple un propriétaire de condo qui louerait sa copropriété sur Airbnb. Ici, les risques de sinistre sont plus élevés, et la prime devrait être ajustée en conséquence. Si l’assuré omet de mentionner certains éléments, il s’expose à n’être indemnisé que partiellement en cas de réclamation, ou, pire encore, à voir l’assureur annuler son contrat.

Mais attention : l’agent devrait vérifier que les renseignements qu’il a recueillis sont bel et bien exacts. Me Jannick Desforges souligne d’ailleurs que les photos apparaissant sur un site de vente ou sur Google Street View ont généralement été prises plusieurs mois auparavant et ne sont plus nécessairement représentatives de la réalité.

Stéphane Hamel, chargé d’enseignement à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval, se demande cependant s’il est acceptable d’exploiter un média accessible publiquement dans le processus d’assurance.

Cet expert, qui se penche sur la vie privée et l’utilisation éthique des données dans un contexte de marketing, note en effet qu’utiliser une photo comme seul moyen arbitraire d’annuler ou de ne pas renouveler un contrat d’assurance lui apparaît non éthique, en particulier si le client n’a pas eu l’occasion de s’expliquer. Il ajoute que l’information présentée sur Google Street View a été obtenue sans le consentement du propriétaire des lieux et sans l’en informer. Qui plus est, la loi protège les renseignements personnels et, selon Stéphane Hamel, la photo d’une maison peut en faire partie.