L’audio spatial est-il vraiment le futur de la musique ?

Maxime Johnson | 11 juin 2021, 11h04

Avoir l’impression que la musique provient de tout autour de soi quand on écoute une chanson: voilà l’objectif de l’audio spatial.

L’audio spatial est considéré par certains comme la prochaine grande évolution de la musique enregistrée, après les modes mono et stéréo. Après quelques heures d’écoute, mes oreilles sont charmées, mais il est clair que la technologie en laissera aussi plusieurs indifférents.

Qu’est-ce que c’est ?

Démêlons tout d’abord le jargon. L’audio spatial est le nom donné par Apple aux technologies de « spatialisation sonore », qui donnent l’impression que les sons dans une chanson, un jeu vidéo ou un film ne proviennent pas d’un haut-parleur ou d’écouteurs, mais plutôt qu’ils émanent de tout autour de celui qui écoute.

Il existe différentes technologies du genre, la plus populaire étant Dolby Atmos. C’est celle qui a été adoptée par l’industrie musicale et qui est offerte depuis cette semaine avec le service de musique Apple Music.

Alors qu’un son stéréo peut seulement se déplacer de gauche à droite, un son en Dolby Atmos peut provenir d’en haut ou d’en bas, et aussi d’en avant ou d’en arrière. Au lieu d’entendre une chanson comme si on était placé devant une scène, on l’entend comme si on était au milieu des musiciens. Quand la pluie tombe au début de Riders on the Storm des Doors, on a réellement l’impression d’être au milieu d’une averse.

Pour produire cet effet, des ajustements sont apportés aux différentes pistes sonores de l’enregistrement afin de reproduire la façon dont un bruit provenant de l’arrière est perçu par l’oreille, par rapport à un bruit émanant de l’avant, par exemple.

Comment peut-on en profiter ?

Il faut rassembler trois éléments pour écouter de la musique en audio spatial à la maison : un lecteur compatible avec la technologie, un fichier musical matricé en Dolby Atmos et un appareil pour écouter (des écouteurs ou un haut-parleur compatible).

En pratique, la façon la plus simple pour l’essayer, c’est avec le service Apple Music, qui offre l’audio spatial depuis cette semaine, sans frais supplémentaires, et qui met la fonctionnalité bien en évidence. Vous n’aurez besoin que d’un appareil mobile Apple à jour, comme un iPhone, et d’une paire d’écouteurs.

Pour retrouver les chansons compatibles, il suffit de se diriger dans l’onglet « Parcourir » de l’application, où elles sont désormais en évidence. Un petit logo apparaît aussi au bas de la pochette des albums dans l’application lorsqu’ils ont été matricés en Dolby Atmos. L’activation de l’audio spatial est automatique avec des écouteurs AirPods et certains écouteurs Beats, mais doit être activée manuellement dans les paramètres de l’application Musique avec d’autres casques (dirigez-vous alors vers Réglages > Musique > Dolby Atmos et sélectionnez « Toujours activé »).

Notons qu’en plus d’Apple Music, Amazon Music et le forfait HiFi de Tidal offrent aussi des chansons avec Dolby Atmos, mais pas Spotify ni QUB Musique.

Est-ce que la différence s’entend ?

En un mot : oui. Mais l’impact ne sera pas le même pour tout le monde. J’ai écouté différentes pièces en version Dolby Atmos et en version stéréo pour comparer et, chaque fois, il ne fait aucun doute que la version Dolby Atmos sonne mieux. On se sent submergé par la musique, et les différents instruments sont plus faciles à différencier.

Puisque l’effet 3D est provoqué par de microajustements dans le son, la qualité des écouteurs a cependant un impact assez important sur la réussite de l’effet. La provenance des sons était par exemple beaucoup plus facile à capter avec un casque AirPods Max qu’avec les écouteurs blancs qui étaient auparavant offerts avec l’iPhone. D’ailleurs, les haut-parleurs de l’iPhone permettent en théorie de profiter de l’audio spatial, mais l’effet est alors plus difficile à discerner.

S’il est facile de percevoir la différence entre la stéréo et l’audio spatial lorsqu’on écoute deux versions d’une même chanson l’une après l’autre, je mentirais si je disais que j’étais facilement capable de déterminer du premier coup la technologie utilisée lors d’une écoute à l’aveugle. À cet égard, l’impact de l’audio spatial me fait plus penser au passage de la télé HD à la télé 4K qu’au passage de la télé SD à la télé HD.

Cela dit, la technologie est encore jeune. Et il n’est pas impossible que les artistes et les ingénieurs sonores qui expérimenteront avec l’audio spatial développent de meilleures pratiques avec le temps, de la même façon que la qualité des albums stéréo s’est améliorée au fil des années soixante (on n’a qu’à comparer les premiers et les derniers albums des Beatles pour s’en convaincre).

Est-ce vraiment le futur de la musique ?

Si l’audio spatial est déjà bien adopté dans les salles de cinéma et si son utilisation est de plus en plus répandue dans les jeux vidéos, la technologie est encore rare dans le monde musical. Apple affirme d’ailleurs offrir des « milliers » de pièces, ce qui est quand même peu pour un catalogue de 50 millions de chansons.

Pour que l’audio spatial soit la prochaine stéréo, il en faudra plus. Beaucoup plus.

Cette transition n’est toutefois pas impossible. Les gros noms de la musique sont déjà en Dolby Atmos (Taylor Swift, The Weeknd), tout comme certains albums classiques qui ont été rematricés au cours des dernières années (Abbey Road des Beatles, par exemple). Tous les vieux disques ne seront pas republiés en Dolby Atmos, mais il faut s’attendre à ce que l’adoption de la technologie pour les nouveaux albums soit de plus en plus courante, tant chez les grandes étiquettes que les plus petites.

La transition ne se fera toutefois probablement pas du jour au lendemain. Il a après tout fallu plus d’une décennie pour que le son stéréo remplace le mono dans les années soixante. Le fait qu’il ne faut aucun équipement supplémentaire pour en profiter devrait toutefois contribuer à accélérer ce passage.

Personnellement, je ne me limiterai pas aux chansons en Dolby Atmos lorsque je vais chercher un morceau à écouter. Je n’aurais pas non plus acheté de nouveaux écouteurs pour en profiter, ni payé plus cher pour ces albums. Mais c’est justement la beauté, ici : rien de tout cela n’est nécessaire. Je n’ai qu’à lancer l’application que j’utilise déjà, avec les appareils que je possède déjà.

Je ne pense pas que l’audio spatial va révolutionner la musique. Trop de gens se soucient peu de la qualité de leurs enregistrements pour ça. Mais si ce que j’ai envie d’entendre une journée est offert avec la technologie, ce sera certainement une belle surprise.