Acheter local
François Blais | 14 juillet 2020, 12h00
Faites-vous tout ce qui est en votre pouvoir pour encourager l’économie locale?
Notre chroniqueur évalue ici sa propre performance.
Une chose qui m’a étonné quand j’ai commencé à écrire cette chronique est le laps de temps entre la date de tombée et la publication du magazine. Avant cela, je m’imaginais plus ou moins qu’un numéro de Protégez-Vous se bricolait en quelques jours (« toi, Nadine, tu vas tester des scies mécaniques ; toi, Jacques, tu vas faire un topo sur les beurriers ; toi, Jeannot, tu vas faire un dessin pour illustrer le dossier sur les scies mécaniques, et je veux ça sur mon bureau demain matin ; etc. »), ou enfin, je n’avais pas vraiment d’idée sur la question. Mais bon, j’ai appris que produire un magazine prend du temps et qu’il valait mieux, par conséquent, que j’évite de trop me coller à l’actualité, car ce qui est le « talk of the town » en avril (au moment où j’écris ce texte) risque d’être tombé dans l’oubli au moment où tu liras ce magazine au bord de ta piscine.
Ainsi, il se peut que tu ne t’en souviennes pas, mais au printemps 2020, l’économie tourne un peu au ralenti ; les gens consomment moins de produits et de services qu’en temps normal ; et nos élus (je dis « nos élus », mais c’est surtout les tiens) recommandent d’acheter québécois afin de donner un coup de pouce aux entreprises d’ici. En principe, je suis pour, mais en me penchant sur mes habitudes de consommation, je réalise que je pourrais faire mieux.
Je rédige ce texte sur un portable taïwanais, et j’utilise un logiciel commercialisé par une multinationale établie à Seattle. Ça part mal, mais je n’y peux pas grand-chose. Je porte en ce moment un pantalon en coton ouaté fabriqué en Chine et un t-shirt hideux fabriqué au Bangladesh (je l’ignorais avant de vérifier l’étiquette, mais j’aurais pu m’en douter quand les gens du Walmart me l’ont cédé pour 6 $). Par contre, j’écoute sur Spotify l’album de Lydia Képinski, une artiste d’ici qui, grâce à moi, va recevoir un seizième de sou dans un an. J’ajoute que je viens tout juste de terminer l’excellente série C’est comme ça que je t’aime, sur ICI Tou.tv, et que l’autre jour, j’ai vu un film québécois dont le titre m’échappe, mais dans lequel Marc-André Grondin meurt en manipulant des explosifs. (Tu vois duquel je parle ?) Si j’étais du genre à consommer de la pornographie en ligne, j’encouragerais sans hésiter Pegas Productions, un site au contenu exclusivement québécois. (Comme rien ne ressemble plus à une vidéo pornographique qu’une autre vidéo pornographique, il n’y a aucune raison de ne pas encourager le talent local.) Mes lectures ? C’est moins glorieux : je lis un bouquin intitulé The Axeman of New Orleans, écrit par une Américaine, à propos d’un tueur à la hache qui a terrorisé La Nouvelle-Orléans dans les années 1910.
Si je vais sur Amazon.ca pour éplucher la liste de mes achats récents, je constate que ça ne regorge pas de produits québécois. Par contre, ce soir, en lisant mon livre de tueur à la hache, je vais boire une bière provenant de la microbrasserie située dans le village voisin. Et, pour souper, il y a de très fortes chances que je déguste une excellente pizza surgelée Mikes (une entreprise fondée à Montréal en 1967). Comme il y a deux vignobles dans la MRC où j’habite, je pourrais accompagner ça d’un vin local. Mais, mon patriotisme ayant ses limites, je crois que je vais plutôt y aller pour un produit élaboré dans la vallée du Rhône. Comme je disais, je pourrais faire mieux, mais on va dire que je mérite la note de passage.