Billets d’avion : faut-il opter pour le crédit?

Emmanuelle Gril | 14 mai 2020, 12h00

Votre voyage estival est tombé à l’eau et le transporteur vous propose un crédit plutôt que de vous rembourser.

Il y a quelques jours, j’ai dû me rendre à l’évidence: mon voyage en Europe prévu à la fin du mois de juillet n’aura pas lieu. Frontières fermées, vols annulés, itinéraires chamboulés… Même avec la meilleure bonne volonté du monde, je me voyais mal entraîner mes deux ados dans cette course à obstacles.

Vérification faite auprès de la compagnie aérienne à qui j’ai acheté les billets par le biais de son site Internet, une annulation pure et simple entraînerait des pénalités de 800$, soit pratiquement le coût d’un billet. En revanche, la compagnie est prête à m’offrir un crédit au plein montant, valide pour les 24 prochains mois. Même si je ne suis pas obligée d’utiliser ce crédit pour la même destination, il faut toutefois l’appliquer aux mêmes personnes, car il n’est pas transférable.

Et si le prix des billets augmente d’ici là, je devrais évidemment payer la différence de ma poche. Depuis, je m’interroge... Devrais-je accepter cette offre ou est-ce un cadeau empoisonné?

Des recours, mais pas de garantie de succès

Je suis loin d’être la seule dans mon cas. Des milliers de voyageurs québécois ont dû revoir leurs plans et se posent sans doute la même question que moi. En effet, certains experts prévoient une explosion des prix des billets à cause des mesures de distanciation sociale qui pourraient forcer les compagnies aériennes à réduire le nombre de passagers par avion. Donc, il est possible que l’on doive débourser des centaines de dollars supplémentaires pour réaliser le même voyage à l’avenir. Aura-t-on encore les moyens de se l’offrir? Car nul ne sait comment les choses vont évoluer sur le plan économique.

Certaines personnes d’un certain âge se demandent aussi si leur santé sera encore suffisamment bonne pour entreprendre un voyage à l’étranger. De mon côté, ma fille aînée qui aura 19 ans l’été prochain, ne préférera-t-elle pas se trouver un petit boulot ou aller faire du camping avec des amis au lieu de partir en vacances avec sa mère?

Ce sont toutes ces idées qui me trottaient dans la tête lorsque j’ai contacté Me Élise Thériault, avocate chez Option consommateurs. Celle-ci dénonce d’abord le fait que le gouvernement canadien traîne les pieds pour obliger les transporteurs aériens à rembourser les vols annulés, comme cela se fait pourtant aux États-Unis et en Europe. Et ce, alors même que notre Code civil prévoit que le fournisseur de services doit restituer les prestations, autrement dit les rembourser, s’il ne peut les exécuter en raison d’une force majeure.

Elle souligne néanmoins que les consommateurs ont plusieurs recours plutôt que d’accepter le crédit qui leur est proposé, par exemple la rétro facturation sur la carte de crédit, l’assurance voyage, le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages (FICAV), une plainte auprès de l’Office des transports du Canada, notamment. L’organisme sans but lucratif a d’ailleurs mis en ligne tous les détails sur les différentes options. Malgré tout, les démarches risquent d’être longues et ardues et pourraient, hélas, ne pas être couronnées de succès. De plus, les pratiques diffèrent selon les compagnies aériennes, et certaines pourraient tenter de vous mettre au pied du mur. Un crédit sinon rien ! Dans ce cas, mieux vaut les contacter et tenter de négocier.

Enfin, si le vol est maintenu par le transporteur, l’avocate prévient aussi que l’annuler de soi-même parce que l’on ne souhaite plus effectuer ce voyage privera le consommateur des recours dont il pourrait disposer pour les cas de force majeure.

Alors, devrait-on se contenter d’un crédit ou pas? Me Thériault note qu’il n’y a malheureusement pas de réponse universelle à cette question. Chacun doit peser les facteurs dans la balance, en tenant compte de ses propres préoccupations, priorités, de sa santé physique ou financière.

Quant à moi, je vais faire preuve d’optimisme (ou d’aveuglement volontaire!) pour cette fois, et j’ai décidé d’accepter le crédit. Advienne que pourra…