Le vélo qui va déconfiner le Québec est électrique

Alain McKenna | 29 avril 2020, 12h00

Le vélo électrique régnera sur les centaines de kilomètres de routes réservées aux cyclistes, cet été.

L'étrange moment que nous traversons depuis un mois et demi est moins une crise, que cinq ans de changements anticipés qu'on aurait condensés en deux petits mois. Tout y passe: le magasinage en ligne bondit, l'achat local se développe, la consommation de pétrole trébuche.

Bien des gens rêvent d'une transformation profonde et durable de la société, mais soyons sérieux: la force d'inertie est telle qu'on reviendra sans doute à nos vieilles habitudes aussi tôt que ce sera possible. Sauf dans quelques cas d'exception.

Le vélo en est un.

Parce que le mouvement était déjà amorcé avant la crise, plusieurs villes accélèrent la mise en place d'un réseau de rues et de pistes réservées aux cyclistes. Par exemple, la ville de New York a confirmé que près de 100 kilomètres de rues situées près de ses parcs seront désormais inaccessibles en voiture. Dans le Grand Montréal, les BIXI sont de retour, malgré un contexte où partager des vélos entre inconnus peut sembler incongru. Vu le contexte, l'occasion est belle pour accroître la clientèle: les routes sont dégagées, les gens ont plus de temps pour se déplacer, bref, les conditions sont propices à favoriser l'adoption du vélo.

Si on se fie aux prévisions, le vélo qui en profitera le plus sera électrique. En 2020, c'est la catégorie qui connaîtra la plus forte croissance de ses ventes, au Canada et aux États-Unis. Mais l'Amérique du Nord est à la traîne: en Asie, les vélos électriques représentaient déjà un peu plus de la moitié des vélos vendus l'an dernier. La sortie du confinement lié à la COVID-19 va accélérer cette tendance, laisse entendre la firme Fortune Business Insights, qui a révisé ses statistiques à ce sujet il y a tout juste quelques jours.

1 000 nouveaux BIXI électriques

L’une des causes de cette accélération est que les services de vélo en libre-service en redemandent. À preuve, cette saison, BIXI rajoute 1 000 vélos électriques. Ceux de Jump (filiale d'Uber) sont de retour à Montréal, ceci expliquant probablement cela. PBSC, l'entreprise montérégienne qui «vend» le «modèle BIXI» à l'étranger, croit aussi que le vélo électrique est le transport urbain du futur. Plus que celui des trottinettes de Lime ou de Bird, en tout cas.

Un des atouts de ces vélos est qu'ils réduisent l'effort au minimum, tout en décuplant leur rayon d'action. Ils peuvent parcourir des dizaines de kilomètres sur des rues de quartier, sur les boulevards urbains ou les sentiers en gravelle, sans essouffler leur occupant. Les vélos de montagne électriques donnent hâte à la réouverture des sentiers de la Sépaq. Les vélos à pneus surdimensionnés (fat bikes) électriques ont davantage l'air de motocross du futur que de simples vélos pour jouer dans la gadoue (ou la boue).

Bref, il y en a pour tous les goûts. Même à l'extérieur des grands centres, avec une vitesse pouvant atteindre 32 km/h avec l’assistance électrique, il devient soudainement envisageable d'aller faire quelques commissions sur deux roues, moyennant les bonnes sacoches installées à l'arrière ou à l'avant. Et un bon casque de vélo, cela va de soi.

Acheter un vélo comme on achète une auto

Les fabricants de vélos comme Rocky Mountain ont compris l'intérêt de ce créneau, qui continue de croître plus vite que le reste du marché du vélo, et mettent plus d'emphase sur leurs modèles à électrons. Même la chaîne Costco tient des vélos électriques dans ses rayons…

Alors qu'on insiste sur l'achat local, des vélos bon marché de marque chinoise, souvent de qualité inférieure, puis vendus dans ces entrepôts de propriété américaine, c'est évidemment un non-sens. C'est, aussi, un peu risqué: les composants chinois, dans l'électrique, ont très mauvaise réputation, car leur durabilité inquiète. Mais ça fait baisser les prix, ce qui est nécessaire dans un marché où un modèle décent peut coûter 3 000 dollars ou plus.

À ce prix, vous avez intérêt à magasiner. Presque comme une voiture: les motorisations varient (dans l'essieu ou dans le pédalier?), tout comme les batteries (fixes, détachables, petites, moyennes, grandes?) et l'assistance (permanente, sur demande, continue, variable?). Vos préférences et vos habitudes définiront le type de vélo qui vous va le mieux.

Un compagnon pour votre véhicule actuel

J’ai même une suggestion pour les gens qui s'obstinent à se déplacer autrement que sur quatre roues: électrifié, un vélo devient le complément logique d'une automobile. Mieux, il peut en prolonger la vie utile, ce qui pourrait plaire aux gens dont le budget, soudainement, ne permet plus le renouvellement dudit véhicule par un modèle de l'année.

Le mouvement des grandes villes vers des routes réservées aux vélos rendra ce moyen de transport de plus en plus inévitable. Dans certains cas, il sera plus rapide de se rendre à destination en enfourchant sa bécane et en empruntant les voies qui y sont exclusives que de le faire en voiture. Ça comporte sa part d'enjeux, notamment du côté de la sécurité. Les intersections routières, les cyclistes qui se croient au Tour de France, les piétons dans la lune sont autant de risques de se déplacer sur deux roues. Ajouter une motorisation accroît ce risque.

Mais le mouvement est amorcé. Et comme je l’écrivais plus haut, il s'accélère, ces jours-ci. Si bien qu'on peut prédire avec assez d'assurance que le vélo qui va déconfiner le Québec, et bien d'autres régions d'Amérique du Nord, cet été, sera manifestement électrique. Pour le meilleur et pour le pire.