Croyez-vous à la pub ?

François Blais | 27 septembre 2018, 11h10

Notre chroniqueur a l'impression que les publicités sont d’une inefficacité quasi absolue.

Quand j’avais 10 ou 11 ans, un type que je vénérais faisait la promotion d’une célèbre marque de boisson gazeuse. Et quand je dis que je le vénérais, ce n’est pas de l’enflure verbale. Les murs de ma chambre étaient tapissés de photos de lui, et j’arborais, même en période de canicule, une hideuse veste en cuirette rouge couverte de fermetures éclair afin de lui ressembler.

Cela ne m’empêchait pas de préférer la marque de boisson gazeuse concurrente. (Par ailleurs, mon idole a candidement avoué, quelques années plus tard, ne jamais consommer de boissons gazeuses, peu importe la marque.)

Pourquoi est-ce que je raconte ça ? Simplement pour souligner le fait que, depuis toujours, je soupçonne la publicité d’être d’une inefficacité quasi absolue.

Vivre sans publicité

Dans ma chronique précédente, je m’étonnais du fait que le budget publicitaire des entreprises continue d’augmenter d’année en année, alors qu’il est de plus en plus facile de se soustraire à la publicité.

Avec les technologies à notre portée (enregistreurs numériques, logiciels antipub, etc.), il est possible de vivre sa vie sans jamais se taper un seul spot publicitaire, et mon hypothèse est que ceux qui consomment de la pub le font par devoir civique, par fair-play, ou enfin sous l’influence d’une quelconque qualité morale dont je suis dépourvu.

Je sais qu’un large pan de l’industrie culturelle et médiatique dépend des revenus publicitaires pour survivre, et qu’en tant que consommateur de culture et d’information, je devrais m’efforcer d’écouter ce que les annonceurs ont à dire. Mais pourquoi le ferais-je si je ne crois pas à un mot de ce qu’ils racontent ?

L’équipe de hockey dont j’ai le malheur d’être partisan ne cherche pas seulement à me vendre du rêve, elle cherche également à me vendre de la bière. Elle échoue misérablement dans les deux cas, malgré un marketing tonitruant.

Si j’ai besoin d’un truc à la pharmacie, je me rends à celle située au village, ou alors j’arrête à celle qui se trouve sur mon trajet en revenant du travail. Dans tous les cas, il est hors de question que je fasse un détour parce qu’on m’a assuré que dans telle chaîne, l’on trouvait de tout, même un ami.

L'argent du marketing

Cela ne prend pas avec moi, et je refuse de croire que je suis le seul. Personne ne va faire son épicerie à un endroit simplement parce que la maison mère a eu l’idée de recruter un humoriste célèbre pour faire sa pub.

Les gens en âge de faire leur épicerie ont déjà leur petite idée quant aux mérites respectifs des différents supermarchés et, surtout, ils savent bien que si une chaîne concurrente avait eu l’idée d’embaucher l’humoriste célèbre, celui-ci aurait encaissé le chèque et aurait, sans états d’âme, fait ses blagues de tomates et de côtelettes sous une autre enseigne.

Et personne n’ira dépenser 30 000 dollars pour une voiture après l’avoir vue rouler très rapidement dans le désert (pilote professionnel sur circuit fermé, ne pas imiter) pendant qu’une voix chaude ânonnait des mots comme « puissance », « élégance » et « liberté ».

Bref, je soutiens que les spécialistes en marketing, concepteurs de pub et autres professionnels de la vente sont surtout habiles à se vendre eux-mêmes. Leur génie ne consiste pas à nous faire croire que telle babiole est indispensable à notre félicité, mais plutôt à convaincre le fabricant de la babiole en question qu’il doit absolument dépenser une fortune en marketing pour espérer vendre sa babiole.

Ils sont comme les faux tisserands dans Les habits neufs de l’empereur, qui échangent du vent contre des sacs remplis d’or. Et ils ont simplement besoin de notre silence complice pour que l’or continue à pleuvoir.