Téléchargerez-vous l’application Alerte COVID?
Le Québec adopte finalement l’application de recherche de contacts développée par le gouvernement fédéral, «Alerte COVID», pour lutter contre la deuxième vague. Protégez-Vous fait le point sur cette technologie, qui soulève de nombreux enjeux.
La province emboîte ainsi le pas à l’Ontario, au Nouveau-Brunswick, à la Saskatchewan, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Manitoba, qui ont aussi adhéré à l’application fédérale de traçage.
Québec avait pourtant rejeté cette idée, en août dernier, après avoir tenu une consultation publique, qui a pris la forme d’un questionnaire en ligne auprès de la population, et d’une Commission parlementaire pour étudier son utilité.
Le gouvernement avait conclu que les risques et les inconvénients liés à cet outil surpassaient ses bénéfices. Mais la deuxième vague de contamination qui frappe la province l’a mené, mardi, à revoir sa décision.
Efficacité mitigée
Or, l’efficacité de cet outil dépend fortement de son adhésion par la population. En effet, les usagers ne pourront pas savoir qu’ils ont rencontré une personne atteinte de la COVID-19 si cette dernière n’a pas installé l’application. Des chercheurs, ici et ailleurs, parlent d’un taux d’adoption d’au moins 60 % pour qu’elle soit vraiment utile.
Au total, près de 3 millions de Canadiens ont déjà téléchargé l’application, rapporte Radio-Canada. En Ontario, la première province à avoir déployé Alerte COVID, la technologie a jusqu’à maintenant permis à 514 personnes ayant obtenu un diagnostic positif d’aviser les gens avec qui elles étaient entrées en contact, toujours selon la société d’État.
Par ailleurs, Alerte COVID fait déjà l’objet de critiques. Des citoyens ont découvert qu’ils ne pouvaient pas télécharger l’application sur leur téléphone portable puisqu’elle n’est compatible qu’avec les appareils Apple et Android commercialisés ces cinq dernières années.
«Un autre enjeu est l’accès à un téléphone intelligent chez les populations et les tranches d’âge les plus vulnérables», constate Sébastien Gambs, professeur au département d’informatique de l’UQAM. Le spécialiste en analyse de données massives, cybersécurité, enjeux éthiques et respect de la vie privée a participé à la commission parlementaire à l’Assemblée nationale en août dernier. «Les personnes âgées [adoptent moins] les téléphones intelligents, explique-t-il. Même chose pour les personnes les plus vulnérables, comme les sans-abris ou d’autres groupes qui ne peuvent pas forcément se permettre un téléphone intelligent ou un abonnement.»
Les applications ailleurs dans le monde
À l’international, le succès de ce genre d’application est mitigé. En France, «StopCovid» est vue comme un échec. Seulement 2 % de la population française l’avait installée sur son téléphone portable quatre semaines après son lancement. L’application de l’Australie n’a pas non plus porté les fruits espérés: un mois après son lancement, à la fin d’avril, elle n’avait détecté qu’un cas potentiel de COVID-19 sur les six millions de personnes équipées de l’outil.
L’Allemagne a eu plus de succès. Sa version de l’application enregistrait 9,6 millions de téléchargements trois jours après son lancement. En Irlande, 20 % de la population y adhéraient en deux jours.
Et vos données personnelles?
L’arrivée d’une application de recherche de contacts soulève d’autres questions, notamment en ce qui concerne la sécurité de vos données personnelles. Le gouvernement fédéral assure que l’appli ne se sert pas de la géolocalisation et qu’il n’y a aucun moyen de connaître votre emplacement, vos nom et adresse, les contacts de votre téléphone, vos informations de santé et les informations de santé des personnes à proximité.
Alerte COVID est une application mobile gratuite qui utilise plutôt la technologie Bluetooth afin d’échanger un identifiant aléatoire avec d’autres téléphones intelligents à proximité, peut-on lire sur le site du gouvernement canadien.
En cas de diagnostic positif à la COVID-19, une ressource professionnelle de la santé fournira un code unique au patient. Ce sera à lui de décider de saisir ou non le code dans l’application pour que les personnes avec qui il a été en contact dans les 14 derniers jours soient avisées.
«C’est l’une des applications qui a les meilleures garanties en termes de respect de la vie privée, car elle récolte le minimum d’informations», affirme Sébastien Gambs.
Elle n’est pas dénuée de risques pour autant, nuance l’expert en cybersécurité. Bien que la technologie Bluetooth soit considérée comme plus sécuritaire que la géolocalisation, une question de fiabilité subsiste. «Est-ce que, par exemple, je vais inclure dans mes contacts mes voisins parce que je capte leur Bluetooth à travers le mur?, illustre-t-il. Ou, à l’inverse, est-ce que je vais manquer des personnes? Parce que, en fonction des appareils, la force du signal n’est pas la même.»
Par ailleurs, pour que l’application fonctionne, le Bluetooth doit être activé en permanence. «Il y a eu des attaques ces dernières années qui parvenaient à prendre le contrôle d’un téléphone à partir d’une faille de sécurité Bluetooth, en plus des risques de traçage possibles», poursuit Sébastien Gambs.
Votre score de risque
Parmi les autres enjeux que soulèvent les applications de traçage: leur usage à d’autres fins. Votre employeur pourrait-il exiger que vous téléchargiez l’application et que vous montriez patte blanche avant d’intégrer le bureau? «Normalement, c’est une application optionnelle, mais c’est une dérive possible», observe le professeur.
Et vous, la téléchargerez-vous?
MISE À JOUR: Ce texte a été publié initialement le 12 août 2020, mais nous avons modifié certaines informations le 1er octobre compte tenu de l’évolution de la situation liée à la pandémie et des annonces du gouvernement.
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