H1N1: vertement critiquée, l’OMS se défend
«Gaspillage de fonds publics», «manque de transparence», «influence de l’industrie pharmaceutique»: c’est en ces termes que la Commission santé du Conseil de l’Europe décrit la gestion de la pandémie par l’OMS.
Un an presque jour pour jour après la déclaration de pandémie de grippe A(H1N1), deux rapports critiquent sévèrement la gestion de la pandémie par l’OMS. Sans ménagement, l’auteur du rapport de la Commission santé du Conseil de l’Europe, Paul Flynn, se dit «extrêmement préoccupé par la manière dont la pandémie de grippe H1N1 a été gérée et notamment par le manque de transparence de certaines décisions». Il soulève aussi la possible influence de l’industrie pharmaceutique dans cette pandémie dont la gravité a été «largement surestimée».
Plus encore, la fameuse grippe a entraîné «une distorsion des priorités de santé publique, le gaspillage de sommes colossales d’argent public, l’installation d’un sentiment de crainte injustifié, l’exposition à des risques sanitaires engendrés par des vaccins et des médicaments qui n’ont peut-être pas été suffisamment testés avant d’être autorisés par le biais de procédures accélérées». Rappelons que seule la Pologne a refusé de céder aux conditions des laboratoires.
Sévère constat du Brithish Medical Journal
Le British Medical Journal (BMJ) n’est pas plus tendre envers l’OMS. Dans une enquête effectuée en collaboration avec le Bureau of Investigative Journalism (BIJ), la revue pointe les liens incestueux entre l’organisme international et les laboratoires pharmaceutiques. Par exemple, et comme nous le rapportions en février dernier, plusieurs des proches conseillers de l’OMS reçoivent de l’argent des fabricants de vaccins, notamment le European Scientific Working group on Influenza (ESWI), qui est directement subventionné par 10 compagnies pharmaceutiques tout en affirmant être indépendant.
L’enquête du BMJ s’est toutefois attirée les critiques de la revue Nature, qui soutient que l’industrie pharmaceutique n’a pas pu influencer l’OMS, puisque le changement de définition de la pandémie – qui exclue dorénavant la notion de sévérité – est survenue bien avant son déclenchement. Nature réfute aussi le fait que les laboratoires n’attendaient que cela pour que des contrats majeurs deviennent effectifs, car plusieurs gouvernements avaient passé leur commande avant que la pandémie ne soit déclarée le 11 juin 2009.
En réponse au BMJ, l’OMS a répété n’avoir pas subi de pression de la part des compagnies pharmaceutiques pour déclarer la pandémie: «À aucun moment, pas une seconde, les intérêts commerciaux n’interviennent dans ma prise de décision. L’article et l’éditorial du British Medical Journal laisseront sans aucun doute à de nombreux lecteurs l’impression que la décision de déclarer la pandémie prise par l’OMS était au moins partiellement influencée par une volonté d’accroître les profits de l’industrie pharmaceutique. La vérité cependant est que la décision d’élever le niveau d’alerte à la pandémie reposait sur des critères virologiques et épidémiologiques clairement définis», écrit la Dr Margaret Chan, directrice générale de l’OMS, dans sa lettre au journal.
Plusieurs questions sans réponse
Quoi qu’il en soit, une foule de questions restent sans réponse dans ce dossier où l’apparence de conflits d’intérêt est omniprésente et alimente la polémique depuis plusieurs mois.
Le Dr Pierre Biron, ex-professeur de pharmacologie et expert en pharmacovigilance à l’Université de Montréal, qualifiait la situation «d’hystérie pandémique» en février dernier. Il reste critique: «S’il est vrai, comme le révèle Nature, que les commandes nationales furent passées, et secrètement en plus, avant la déclaration d’une pandémie à définition tronquée, ce pourrait être parce que l’emprise de l’industrie du vaccin sur les santés publiques serait devenue plus grande qu’on n’osait l’imaginer».
Selon lui, ainsi que plusieurs autres observateurs, «l’OMS a fait une erreur patente, non conforme aux faits qui s’accumulaient, et elle a entraîné avec elle la majorité des autorités sanitaires nationales. Elle n’a pas répondu aux questions scientifiques posées par ses critiques. On ne possède même pas de preuve que la vaccination massive fut utile, alors qu’on est certain qu’elle ne le fut pas pour prévenir les hospitalisations et les décès».
La Commission santé du Conseil de l’Europe a formulé une série de recommandations, notamment la mise en place de garanties contre l’influence d’intérêts particuliers et la création d’un fonds public qui soutiendrait les études, essais et avis d’experts indépendants. Ce rapport sera examiné par les représentants des 47 États membres du Conseil le 24 juin prochain.
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