COVID-19: les mesures sanitaires vont-elles trop loin?
Des voix s’élèvent pour critiquer les mesures sanitaires imposées par les gouvernements pour limiter la propagation de la COVID-19. Des décisions qui leur semblent parfois arbitraires.
Alors que la deuxième vague de COVID-19 frappe plusieurs pays, le renforcement des mesures sanitaires ne fait pas l’unanimité. Sur le site Mediapart, une lettre ouverte signée par plus de 300 scientifiques, universitaires et professionnels de la santé critique «la dérive de la politique sanitaire du gouvernement français».
Au Québec, de nombreux observateurs s’interrogent sur la fermeture de certains lieux, comme les bibliothèques et les lieux culturels, qui ne semblent pas être à l’origine d’éclosions de COVID-19. Normand Mousseau, biophysicien et professeur de physique à l’Université de Montréal, est l’un de ceux qui remettent en question la stratégie gouvernementale.
Impliqué dans deux projets de recherche sur la COVID-19 en plus de préparer un livre sur la gestion de la pandémie à paraître bientôt aux Éditions du Boréal, le professeur croit que les mesures actuelles ne tiennent pas la route. «Les mesures en place cet été étaient suffisantes, dit-il. Reconfiner, comme on le fait en ce moment, avec toutes les contradictions que l’on constate, c’est contre-productif. Va-t-on devoir refaire ça tous les deux mois?»
Mais, selon Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, il est normal, durant une pandémie, de renforcer les mesures sanitaires de façon ponctuelle, ce qu’il qualifie de «yo-yo des mesures préventives». «Il y a une première vague, on met en place des mesures et on arrive à la contrôler, explique-t-il. On lève ensuite les mesures, puis survient une deuxième vague. On remet en place les mesures, et ainsi de suite.» Bref, la deuxième vague ne sera sans doute pas la dernière.
Les effets collatéraux du confinement
D’après Normand Mousseau, la Santé publique et le gouvernement Legault ne tiennent pas suffisamment compte des iniquités et des dommages collatéraux d’un confinement. «C’est une situation beaucoup plus difficile pour une femme monoparentale, avec trois enfants dans un petit appartement, que pour des gens aisés qui ont une grande maison ou un chalet, donne-t-il en exemple. C’est sans compter les gens qui ont des problèmes de santé mentale, pour qui l’isolement est plus ardu.»
Marie-Pascale Pomey, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, croit également qu’il ne faut pas négliger les effets négatifs d’un confinement. «Les gens vont moins consulter, de peur d’attraper la COVID-19, ce qui peut compliquer leurs problèmes de santé, souligne-t-elle. Et pour les travailleurs qui se retrouvent sans emploi, il peut y avoir un impact sur la santé mentale et de la dépression.»
La valse des chiffres
Tant en France qu’au Québec, certains observateurs critiquent l’accent mis sur le nombre de nouveaux cas, plutôt que sur les hospitalisations ou les décès.
Dans la lettre publiée sur Mediapart, on affirme que «les autorités sanitaires françaises ne parviennent pas à stabiliser une communication honnête sur les chiffres de l’épidémie. Elles ont surtout abandonné l’indicateur fondamental, la mortalité, pour ne retenir que celui de la positivité de tests pourtant incapables de distinguer les sujets malades des personnes guéries. Cette politique du chiffre appliquée aux tests conduit à une nouvelle aberration consistant à s’étonner du fait qu’on trouve davantage aujourd’hui ce qu’on ne cherchait pas hier.»
Un point de vue que partage Normand Mousseau. «L’objectif, c’est de réduire la mortalité et de ne pas perdre le contrôle dans le système de santé, souligne-t-il. Là, tout ce qu’on fait, c’est de compter le nombre de gens touchés par le virus. Or, la vaste majorité des gens n’ont aucun symptôme, et on teste beaucoup plus maintenant qu’au printemps. On s’emballe pour rien.»
Selon le professeur, le nombre de patients hospitalisés pour la COVID-19 n’a rien d’affolant: «On parle d’un peu plus de 300 personnes sur 8,5 millions d’habitants au Québec. C’est peu!»
Mais, selon Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, la hausse du nombre d’hospitalisations liées à la COVID-19 demeure préoccupante. «Les hospitalisations ont doublé au cours des deux dernières semaines, alors qu’elles doublaient en quelques jours au printemps. On constate encore une croissance exponentielle, mais plus lente que dans la première vague.»
L’approche suédoise
D’après Normand Mousseau, l’approche suédoise, qui mise sur la responsabilisation individuelle plutôt que sur le confinement, est plus viable à long terme. Et les chiffres semblent lui donner raison: la Suède compte 583 morts par million d’habitants, contre 686 morts par million d’habitants au Québec. Mentionnons toutefois que la Suède a enregistré 15 fois plus de morts que la Norvège et 20 fois plus que la Finlande, des pays voisins.
Normand Mousseau s’étonne qu’on ne parle presque pas d’immunité collective. «Des modélisations sophistiquées ont démontré qu’avec aussi peu que 20 ou 30 % de la population exposée au virus, on peut atteindre l’immunité collective et ainsi arrêter la pandémie, dit-il. Quand les plus jeunes et les plus actifs sont immunisés, le virus a moins de chances de se répandre. Bien sûr, il faut continuer de protéger les personnes les plus à risque.»
De son côté, Benoît Mâsse doute qu’il s’agisse de la bonne approche. «Quand il y a beaucoup d’infections dans la population, à un moment donné, les travailleurs des résidences pour personnes âgées se retrouvent infectés et le virus finit par y entrer. Avec des tests antigènes rapides, qui donnent des résultats sur place en moins de 15 minutes, on pourrait tester les employés et obtenir des résultats chaque jour avant leur entrée au travail.»
Ottawa a d’ailleurs conclu une entente avec la pharmaceutique Abbott Diagnostics pour acheter jusqu’à 7,9 millions de tests de dépistage rapides de la COVID-19. Ces derniers pourraient être utilisés dans les écoles et les centres de soins de longue durée.
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