Matières résiduelles : de gros défis attendent les Québécois
Les Québécois devront se poser de sérieuses questions sur la gestion de leurs poubelles dans les prochaines années, que ça leur plaise ou non.
Le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur L’état des lieux et la gestion des résidus ultimes ne sera publié qu’en décembre prochain. Mais ses conclusions sont déjà connues, pour ne pas dire télégraphiées : le Québec a de sérieux défis à relever afin de mieux gérer ses matières résiduelles, recyclables et organiques. Certains analystes en font même le cancre du Canada en gestion des déchets, rien de moins.
Dans sa lettre mandatant le BAPE, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, évoque ces enjeux. Il y est question de plusieurs sites d’enfouissement confrontés à des enjeux de capacité, mais qui, faute d’acceptabilité sociale (le fameux « pas dans ma cour »), ne peuvent agrandir leurs installations saturées. L’agrandissement par décret du site d’enfouissement de Saint-Nicéphore, à Drummondville, illustre bien cette situation.
Agir en amont
Dans son mémoire déposé dans le cadre du mandat du BAPE, la société d’État RECYC-QUÉBEC propose plusieurs indicateurs qui permettent d’apprécier la performance québécoise dans ce domaine. On y lit par exemple que les quantités totales de matières résiduelles enfouies, voire incinérées au Québec (excluant les boues) ont augmenté d’un peu plus de 9 % entre 2015 et 2019. Aussi, la quantité de matières éliminées par habitant en 2019 a été de 722 kg, du jamais vu depuis dix ans.
Tout n’est pas négatif. Ce même document nous apprend que les matières organiques ont connu une forte diminution entre 2011 et 2019, passant de 41 à 30 % du tonnage total éliminé. « Les collectes de matières organiques instituées par les municipalités dans les dernières années ont un impact concret. Elles sont désormais plus de 600 à offrir ce service », commente Sophie Langlois-Blouin, vice-présidente aux opérations chez RECYC-QUÉBEC, qui a participé aux audiences publiques du BAPE.
En regard de ses propres données, RECYC-QUÉBEC constate que plusieurs matières qui pourraient être réemployées, recyclées et valorisées sont encore éliminées au Québec à l’heure actuelle. « Dans son mandat, le BAPE déborde heureusement de la seule question de l’élimination des déchets et s’attarde à tout ce qu’il y a en amont, en matière de production de biens et de surconsommation. Mieux consommer est la clé pour nous sortir de l’impasse actuelle », affirme Sophie Langlois-Blouin.
Inciter et contraindre
Les Québécois disposent de plusieurs outils pour emboîter le pas à cet effort collectif. D’ici 2025, tous disposeront de bacs bruns pour la collecte des matières organiques, lesquelles représentent la part du lion de toutes les matières résiduelles envoyées dans les sites d’enfouissement au Québec. Pourquoi ne pas s’y attaquer dès maintenant ? Autres exemples : l’application Ça va où ? permet d’apprendre en quelques clics la bonne manière de faire le tri parmi des centaines de produits de consommation, et ce, en fonction de sa municipalité. De son côté, Protégez-Vous intègre maintenant une cote de réparabilité à ses tests, ce qui permet aux consommateurs de lutter contre le gaspillage.
Les mesures incitatives ont néanmoins leurs limites. Parlez-en à Nathalie Drapeau, directrice générale de la Régie intermunicipale de traitement des matières résiduelles de la Gaspésie (RITMRG), qui dessert environ 32 000 personnes sur le territoire de la Ville de Gaspé et de la MRC du Rocher-Percé. En vertu de nouveaux règlements municipaux, des « agents verts » de la RITMRG distribuent des billets de courtoisie aux mauvais usagers pour les conscientiser. Des billets d’infraction assortis d’amendes minimales de 250 à 300 $ pourraient bientôt être donnés aux récidivistes.
« De la nourriture, des couches et des seringues dans un bac de recyclage, on ne peut plus tolérer ça. Il en va de la santé et de la sécurité de nos travailleurs sur les lignes de triage», déplore Mme Drapeau. Il en va aussi des capacités et ressources financières de la RITMRG, qui sont mises à rude épreuve. « L’an prochain, les citoyens ne seront pas contents de se voir refiler la facture des pratiques douteuses de certains individus, entreprises et institutions», constate-t-elle.
Jusqu’à maintenant, plus de 2 600 résidences ont été visitées par la RITMRG. De ce nombre, 40 % ont reçu un billet de courtoisie. Selon Nathalie Drapeau, la gestion des matières résiduelles accapare environ 10 % du budget des municipalités de la pointe de la Gaspésie. « C’est non négligeable. Il faut qu’il y ait une prise de conscience collective vis-à-vis ces enjeux, parce qu’on se dirige tout droit dans le mur », conclut-elle.
À Beaconsfield, dans l’ouest de l’île de Montréal, les autorités municipales ont carrément choisi d’instaurer une collecte des ordures intelligente. Le principe est on ne peut plus simple : plus les « poubelles à puce » visitent le bord du chemin, plus la facture refilée au citoyen est salée. Lancée en 2016, cette initiative a incité les Beaconsfieldiens à s’intéresser à leurs poubelles, ce qui a eu pour effet de diminuer significativement la quantité de déchets envoyés à l’enfouissement.
Et ce ne sont pas les seules municipalités à avoir adopté des initiatives pour inciter leurs citoyens à réduire leurs déchets.
On estime que le secteur des déchets a été responsable de l’émission de 8 % des gaz à effet de serre au Québec en 2019.
>> À lire aussi : Gaspillage alimentaire : ce que cachent vos poubelles et Pour en finir avec le suremballage.
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