Achat résidentiel: une promesse, c’est une promesse!
Vous êtes sur le point d’acheter une maison, mais vous hésitez? Blindez votre offre d’achat, faute de quoi il pourrait vous en coûter cher de changer d’idée ou de vous désister sans motif valable.
Plusieurs facteurs sont susceptibles de stopper votre élan : même les plus téméraires redoutent la hausse des taux d’intérêt et la menace d’une récession. La Chambre des notaires du Québec observe qu’il y a un peu plus de désistements qu’à l’habitude. «Des acheteurs peuvent craindre de se retrouver avec une propriété dont la valeur de revente risque de baisser, avance la notaire Lorena Lopez.
C’est que certaines opérations immobilières de vente-achat s’avèrent désormais moins alléchantes, le refroidissement du marché réduisant substantiellement le bénéfice d’une revente rapide. Le nombre de ventes résidentielles enregistrées au Québec en août 2022 a chuté de près de 23 % par rapport à la même période l’année précédente.
La situation s’est renversée depuis un an, dit Mme Lopez. «On voyait parfois des vendeurs qui, après avoir formellement accepté une offre d’achat, se désistaient parce qu’ils en avaient reçu une plus généreuse. Ce n’est plus le cas.»
Un engagement formel
Dès lors qu’elle est acceptée par le vendeur, «une promesse d’achat ne peut être annulée unilatéralement». Et elle est irrévocable jusqu’à la fin du délai accordé au vendeur pour prendre sa décision. L’acheteur dubitatif jouit ici d’une mince marge de manœuvre, allant de quelques minutes à quelques heures puisque le Code civil prévoit que «la révocation qui parvient au destinataire avant l’offre rend celle-ci caduque».
Que votre transaction se déroule ou non par l’entremise d’un courtier, une promesse d’achat en bonne et due forme doit comporter certaines exigences destinées à vous prémunir contre tous les aléas prévisibles.
La garantie d’un crédit hypothécaire, l’inspection du bâtiment à votre satisfaction, la livraison d’un certificat de localisation récent ne sont que quelques-unes des conditions à valider. «L’acheteur averti, qui s’est prévalu de toutes les conditions, pourra facilement se rétracter si l’une d’elles n’a pas été respectée», insiste Mme Lopez.
Dans le cas contraire, si le vendeur est satisfait de l’offre et qu’il s’est plié à toutes les demandes de l’acheteur, et que ce dernier peut contracter un prêt, la transaction devra se conclure devant notaire.
Que se passe-t-il si, dans l’intervalle, l’acheteur apprend, par exemple, que la résidence convoitée se dresse dans un quartier dont le zonage sera bientôt modifié?
«C’est un fait nouveau, ce n’est plus la même maison! affirme Elena Maria Semenescu, notaire chez DuProprio. En vertu du Code civil, le vendeur doit se porter garant envers l’acheteur de toute violation aux limitations de droit public.»
En clair, si ces informations n’apparaissaient pas dans la bien nommée «déclaration du vendeur», l’acheteur a le droit de se désister. «On ne peut imposer à un acheteur une situation nouvelle qui, s’il en avait été informé plus tôt, l’aurait dissuadé d’acheter la propriété», ajoute Mme Semenescu.
Les coûts des promesses brisées
«Les acheteurs ne mesurent pas toujours la gravité de la signature d’une offre d’achat, se désole Lorena Lopez. C’est un bris de contrat avec des conséquences pour les vendeurs et, le cas échéant, les courtiers.»
Le vendeur qui s’estime lésé par le désistement d’un acheteur peut porter sa cause devant les tribunaux et obtenir des dommages-intérêts en faisant valoir, par exemple, que l’annulation de la transaction lui a fait perdre de l’argent.
«Mais il doit prouver qu’il est victime d’un préjudice, que l’autre partie n’était pas de bonne foi», souligne Elena Maria Semenescu, assistante juridique pour DuProprio.
Un exemple? En octobre 2020, la Cour du Québec a accordé près de 73 800 $ en dommages-intérêts à un résidant de Saint-Lazare, doublé par un acheteur en instance de divorce qui, en 2016, lui avait promis 825 000 $ en échange de sa propriété.
À la veille de passer chez le notaire, l’acheteur avait prétendu, avec la complaisance de son courtier et de son banquier, n’avoir pas obtenu le financement pour acheter une propriété. La vraie raison? Il souhaitait plutôt se remettre en ménage avec son épouse…
Évidemment, un acheteur largué par un vendeur de mauvaise foi peut lui aussi intenter un tel recours. Un courtier pourrait également arguer qu’il n’a pas pu toucher la commission que le vendeur lui aurait versé en échange de ses services une fois l’acte de vente signé.
L’autre solution parfois mise en pratique est celle de la «passation de titre». Elle consiste à demander au tribunal de forcer la partie récalcitrante à conclure la transaction avortée. «Dans ce cas, le demandeur doit soumettre au juge l’acte de vente qu’a refusé de signer l’autre partie», souligne Elena Maria Semenescu.
«L’action en passation de titre est souvent imposé à un vendeur qui ne s’est pas présenté chez le notaire parce qu’il a découvert qu'il aurait pu vendre sa maison plus cher», ajoute Mme Lopez.
Il existe aussi des avenues moins brutales qui permettent d’éviter le recours aux tribunaux, précise Sandra Barrette. «Il est toujours possible, dans le cas d’un désistement qui n’était pas prévu dans l’offre de vente, que les deux parties en arrivent à une entente à l’amiable ou recourent aux services d’un médiateur.»
Prévoir le pire
Il faut envisager tous les scénarios, s’assurer que tous les angles sont couverts avant d’envoyer votre promesse d’achat, indique Mme Lopez, en y allant de quelques conseils.
• Fixez les limites de votre capacité de payer. «Si vous redoutez une hausse des taux d’intérêt dans un avenir rapproché, inscrivez le maximum que vous consentez à payer», suggère Mme Lopez.
• Refusez l’exclusion de toute garantie légale qui vous prémunit contre les vices cachés. «Ces dernières années, on a vu beaucoup de promesses d’achat sans garantie légale. Le courtier n’a pas l’expertise pour vous conseiller à ce sujet. Il vaut mieux consulter un notaire ou un avocat.»
• Exigez un délai raisonnable pour l’inspection de la propriété et pour l’obtention de votre garantie de financement. «Récemment, les délais étaient plutôt courts», déplore Mme Lopez.
• Communiquez rapidement vos intentions. «Il est important que l’acheteur hésitant ne fasse pas poireauter le vendeur, de façon à minimiser les conséquences, voire à permettre au vendeur de remettre plus rapidement en vente sa maison.»
>> À lire aussi: À chacun son courtier immobilier
L'envoi de commentaires est un privilège réservé à nos abonnés.
Déjà abonné? Connectez-vous
Il n'y a pas de commentaires, soyez le premier à commenter.