À chacun son courtier immobilier
De nouvelles règles entrées en vigueur récemment interdisent la double représentation dans le secteur immobilier. Si vous avez retenu les services d’un courtier pour acheter une maison et que celui-ci représente aussi le vendeur de la propriété de vos rêves, vous devrez vous tourner vers un autre professionnel.
Deux modifications apportées à la Loi sur le courtage immobilier sont entrées en vigueur le 10 juin dernier afin de mieux encadrer le rôle des courtiers et ainsi éviter les situations de conflit d’intérêts. La première interdit à un courtier immobilier de représenter à la fois l’acheteur et le vendeur, tandis que la deuxième prévoit que les courtiers doivent avoir une entente écrite – et non verbale – avec l’acheteur pour le représenter.
Comment ces changements affectent-ils le processus d’achat ou de vente d’une propriété au Québec? Nous en avons discuté avec Me Caroline Champagne, vice-présidente encadrement au sein de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).
Est-ce que les nouvelles règles s’appliquent à toutes les propriétés?
Non. Les changements législatifs ne concernent que les transactions immobilières résidentielles pour des immeubles de moins de cinq logements. Autrement dit, ils ne s’appliquent pas aux immeubles résidentiels de cinq logements et plus ni au secteur commercial ou industriel.
Que se passe-t-il si un acheteur constate que son courtier est le même que celui du vendeur?
«À partir du moment où l’acheteur veut faire une promesse d’achat sur un immeuble, le courtier doit résilier le contrat de courtage achat et représenter le vendeur», explique Me Champagne. Cette possibilité doit être clairement expliquée dans une annexe au contrat de courtage achat. L’acheteur et le vendeur peuvent être représentés par deux courtiers provenant de la même agence immobilière, mais pas de la même équipe.
En cas de résiliation, le courtier doit «recommander» à l’acheteur de conclure un contrat avec un autre professionnel. S’il recommande des collègues, il doit présenter plusieurs options pour éviter toute situation de conflit d’intérêts. «Ce sera à l’acheteur de faire son choix ensuite», mentionne Me Champagne. L’acheteur peut alors décider de faire affaire avec un autre courtier ou de poursuivre les démarches par lui-même.
Un courtier qui résilie le contrat d’un acheteur en raison d’une double représentation pourrait-il être tenté d’exiger que le collègue qui reprendra le dossier lui rende la pareille dans le futur? «Toute situation de conflit d’intérêts est absolument interdite en vertu des règlements et obligations déontologiques du courtier», répond la représentante de l’OACIQ.
Qu’arrive-t-il si aucun autre courtier n’est disponible pour représenter l’acheteur?
Une exception est prévue pour les régions dans lesquelles les courtiers se font rares. La double représentation est permise si aucun autre courtier n’est établi dans un rayon de 50 kilomètres de la propriété en jeu.
Fait à noter, c’est au courtier déjà impliqué dans le processus de déterminer si l’un de ses collègues peut le remplacer pour représenter l’acheteur. En cas de doute, faites vos propres recherches.
Si le courtier doit résilier le contrat, peut-il être payé pour le travail déjà effectué?
Non. Si vous êtes acheteur et que votre courtier résilie votre contrat, la loi indique clairement que ce dernier «ne peut exiger aucune rétribution». Réclamer une commission pour vous avoir dirigé vers un autre courtier est également interdit.
Quel est l’impact du changement concernant la signature d’un contrat de courtage achat?
La loi prévoit désormais qu’un contrat de courtage doit absolument être signé entre le courtier et l’acheteur si ce dernier souhaite être «représenté». Cela signifie que le courtier doit avoir conclu une entente écrite, et non seulement verbale, pour négocier au nom de l’acheteur, par exemple.
«Un courtier qui n’aurait pas de contrat avec un acheteur ne peut pas prétendre qu’il le représente, insiste Me Champagne. Ce courtier collaborateur sans contrat de courtage travaille de facto pour le vendeur.»
Autrement dit, rien ne vous empêche de faire affaire avec un courtier dans votre processus d’achat en n’ayant qu’une entente verbale avec lui. Il pourra vous diriger vers différentes propriétés, mais gardez en tête qu’il travaillera alors dans l’intérêt des vendeurs.
Est-ce qu’un courtier est payé même en cas d’entente verbale?
Oui. «La rétribution du courtier est la même, qu’il y ait un contrat de courtage achat ou qu’il n’y en ait pas», explique la représentante de l’OACIQ.
Concrètement, si un contrat de courtage vente prévoit une commission totale de 5 % et un partage de la commission de 2 %, le courtier de l’acheteur pourra toucher ses 2 % s’il a participé à la transaction, même s’il ne s’est entendu avec l’acheteur que de manière verbale.
En cas de doute sur l’application des nouvelles règles, vous pouvez appeler la ligne info de l’OACIQ (450 462-9800 ou 1 800 440-7170). «Notre service d’assistance au public est là pour enquêter sur des situations plus problématiques et intervenir auprès des courtiers», précise Me Caroline Champagne.
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