Le Vendredi fou: des soldes offerts de plus en plus tôt
Cette année, le Vendredi fou a lieu officiellement le 27 novembre, mais, dans les faits, il est commencé depuis la fin du mois d’octobre.
Les détaillants multiplient les publicités pour annoncer des rabais monstres depuis déjà quelques semaines. Ils incitent ainsi les consommateurs à faire leurs achats du temps des fêtes plus tôt puisqu’ils redoutent l’explosion de colis à livrer avant Noël, d’après la professeure agrégée du département de marketing de HEC Montréal, JoAnne Labrecque.
«Beaucoup [de ménages] achètent en ligne, souligne-t-elle. Les foules dans les magasins, ce n’est pas une bonne idée pendant la pandémie. Et faire la file dehors, ce n’est pas la meilleure stratégie pour les détaillants.»
D’après un sondage réalisé en octobre par le site internet RetailMeNot.ca, 39 % des Canadiens prévoyaient magasiner en ligne pendant le Vendredi fou en raison des mesures sanitaires, alors que seulement 9 % des répondants comptaient se présenter dans les commerces.
D’ailleurs, à partir du 27 novembre, le gouvernement du Québec autorisera les commerçants à étendre leurs heures d’ouverture pour permettre à leurs clients de prendre possession de leurs produits commandés en ligne. Jusqu’au 23 décembre, le service de ramassage de colis pourra être offert du lundi au vendredi, de 8 h à 22 h, et le week-end, de 8 h à 21 h.
Rivaliser avec Amazon
Si les marchands ont devancé la saison des soldes du Vendredi fou, c’est aussi pour emboîter le pas au géant Amazon, qui a organisé son événement annuel, Prime Day, à la mi-octobre plutôt qu’en plein été.
«Cela a donné le ton, dit JoAnne Labrecque. Amazon s’est montré très agressive, voulant démarrer la grosse période d’achats des fêtes avec des rabais.»
Déjà, dans les dernières années, le Black Friday – comme nos voisins américains appellent cette période de soldes suivant Thanksgiving – ne se déroulait plus sur une seule journée, mais bien sur quelques jours, voire une semaine.
«C’est une tendance: on allonge la période de rabais. Elle est due au contexte économique. On ne réserve plus les grands soldes pour le Vendredi fou. Ils s’étalent pendant l’année», explique Élisabeth Robinot, professeure au département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Des rabais à tout casser ?
Si le Vendredi fou se déroule pendant quelques semaines plutôt qu’une journée, les rabais sont-ils intéressants ?
JoAnne Labrecque estime que oui, mais tout dépend de la marchandise que les détaillants seront en mesure de mettre en vente. La chaîne d’approvisionnement n’est pas aussi efficace pendant la pandémie. Les tablettes des magasins, qui sont moins bien fournis qu’à l’habitude, en témoignent.
En plus, plusieurs commerces jouent leur avenir ces jours-ci. Les prochaines semaines seront cruciales pour eux, ajoute Mme Labrecque.
Reste à voir si les restaurants, qui tirent le diable par la queue en raison des restrictions imposées par le gouvernement du Québec, participeront à cette saison des soldes. L’an dernier, certains d’entre eux affichaient des rabais du Vendredi fou, rapporte la professeure de HEC Montréal.
Contre-mouvement du Black Friday
Si les rabais pullulent jusqu’à Noël, les consommateurs en profiteront-ils ? La pandémie de COVID-19 et le ralentissement économique qui s’ensuit les ont conscientisés sur l’impact de leurs achats, d’après Élisabeth Robinot. Elle soutient que le contre-mouvement du Vendredi fou, aussi appelé Vendredi vert ou Journée sans achat, prend de l’ampleur cette année.
«La crise nous a affectés collectivement, explique-t-elle. Elle a fait en sorte que plusieurs se sont posé la question de l’incidence de l’homme sur l’environnement. Elle permet ainsi d’amener des comportements plus responsables, de modifier les pratiques qui ne l’étaient pas et de convaincre des gens qui ne prenaient pas le temps ou qui n’étaient pas informés.»
Près de 69 % des répondants au sondage de RetailMeNot.ca songeaient à dépenser moins de 100 $ pendant le Vendredi fou, comparativement à 10 % l’an dernier.
Élisabeth Robinot s’attend à ce que davantage de ménages consomment avec modération pendant les soldes du mois de novembre en raison de leur situation financière, mais également de leur réflexion sur leurs achats. Les commerces de proximité devraient profiter de leur conscientisation, selon elle.
«Nos comportements changent, et plus ce changement dure, plus ce nouveau comportement deviendra la norme, avance la professeure de l’UQAM, plutôt optimiste. Nos pratiques de pandémie plus écoresponsables sont certainement amenées à rester.»
La professeure de HEC Montréal, JoAnne Labrecque, croit aussi que certaines habitudes prises pendant la pandémie demeureront après le retour à la normale, en évoquant les achats en ligne. Elle estime toutefois qu’il faudra patienter jusqu’à la fin de la crise sanitaire pour mesurer les conséquences sur le comportement des consommateurs.
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