Frais de conversion de devises: les banques devront payer
La semaine dernière, Banque de Montréal, Banque Nationale, TD, Citibanque, Amex et Desjardins ont été condamnés à rembourser certains de leurs clients. En faites-vous partie?
MISE À JOUR: Pour savoir comment faire une réclamation, consultez notre article publié en juillet 2015.
Vous vous rappelez ce beau voyage en Espagne au début des années 2000? Il y a des chances que votre portefeuille s’en souvienne aussi! Car si, pendant votre périple, vous avez utilisé une carte de crédit, vous risquez d’avoir payé des frais de conversion des devises à votre insu. Et ce, en plus des habituels frais liés au taux de change.
Or, cette pratique ne respecte pas la Loi sur la protection du consommateur du Québec (LPC) en matière de divulgation de l’information, a tranché la Cour suprême du Canada la semaine dernière. Ce faisant, le plus haut tribunal au pays a mis un terme à un recours collectif qui durait depuis 11 ans.
Manque d’information
Initié par des consommateurs québécois en 2003 et porté par le cabinet d’avocats Trudel & Johnston, ce recours concerne des dizaines de milliers de Québécois qui n’ont jamais été informés par les institutions émettrices de cartes de crédit de l’existence de ces frais pour conversion de devises.
Au cours des procédures judiciaires, les banques incriminées ont argué qu’elles n’étaient pas tenues de respecter la LPC puisqu’elles étaient de juridiction fédérale. Mais la Cour suprême voit les choses autrement. «Ce qu’elle dit aux banques, c’est qu’elles doivent respecter la législation provinciale en terme de divulgation de l’information, même si elles sont régies par des lois fédérales, explique Me Philippe Trudel, du cabinet Trudel & Johnston. C’est un jugement dont la portée dépasse les frontières québécoises.»
Ces frais illégaux de conversion de devises ont été prélevés pendant trois ans, soit de 2000 à 2003, précise Me Trudel. Après 2003, les banques ont changé leur façon de faire en avertissant leurs clients du montant de ces frais qui sont, encore aujourd’hui, facturés à chaque transaction effectuée à l'étranger.
Quelles banques sont visées?
Les institutions TD, Banque Nationale, Citibanque, Amex et Banque de Montréal sont condamnées à rembourser les sommes perçues à leurs clients et à payer des dommages punitifs, soit un dédommagement de 25 $ par consommateur visé.
Le groupe Desjardins, qui a revu ses pratiques de divulgation de l’information au cours des procédures judiciaires, n’a pas été condamné à verser des dommages punitifs, mais devra rembourser les frais de conversion de devises perçus.
Êtes-vous concerné?
Si vous aviez une carte de crédit émise par l’une des banques condamnées et que vous avez effectué des transactions en devises étrangères entre 2000 et 2003, vous pourriez bénéficier d’un remboursement.
Combien vont recevoir les consommateurs?
Le cabinet Trudel & Johnston estime entre 50 et 60 millions de dollars le montant total que verseront les banques. Selon les banques, les frais perçus illégalement varient entre 1,8 et 2,5 % du montant de chaque transaction tel qu’il apparaît sur le relevé de compte (en dollars, après conversion).
Par exemple, si, au cours d’un voyage à l’étranger, vous avez dépensé 1 000 $ et que la banque émettrice de votre carte appliquait alors des frais de conversion de devises à un taux de 2 %, vous avez droit à un remboursement de 20 $.
Comment être indemnisé?
Si vous êtes toujours détenteur d’une carte de crédit d’une des institutions visées par le jugement, vous ne devriez avoir aucune démarche à faire. «Nous demanderons à la Cour que les crédits soient versés directement aux comptes des consommateurs, explique Me Trudel. C’est la façon usuelle de procéder.» Par contre, si vous avez utilisé une carte de crédit d’une de ces institutions, mais que depuis votre compte a été fermé, vous devrez vous faire connaître dans les prochains mois auprès de l’administrateur qui sera désigné pour gérer le processus de réclamation, et en particulier le mode de remboursement.
L’ensemble de la procédure de remboursement devrait être complété au cours des six prochains mois. Vous pouvez suivre l’avancée de la procédure sur le site du cabinet Trudel & Johnston.
De gros sous dans les petits caractères
Ce jugement de la Cour suprême a aussi déterminé que les frais de conversion de devises facturés par les institutions financières ne sont pas des frais de crédit au sens de la Loi sur la protection du consommateur.
Les frais de crédit sont ce que vous devez débourser, en plus du montant financé, lorsque vous utilisez une carte de crédit: intérêts, assurances, frais d’administration, etc. Bien connaître l’ensemble de ces frais aide le consommateur à comparer le coût des cartes de crédit et à choisir celle qui lui convient le mieux.
«Ce que dit la Cour suprême, c’est que les banques pourront continuer à charger les frais de transaction de conversion de devises à part des frais de crédit, à chaque transaction faite à l’étranger», précise Me Philippe Trudel.
Me Sylvie De Bellefeuille, responsable par intérim du Service budgétaire et juridique chez Option consommateurs, déplore cette situation. «Il sera plus difficile pour les consommateurs de comparer le coût des cartes de crédit et donc de faire un choix éclairé.»
Alors, faites vos devoirs! Pour connaître le taux appliqué pour la conversion de devises, lisez bien votre contrat, y compris les petits caractères…
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