Conflit Frito-Lay et Loblaw: en subirez-vous les conséquences?
Le fabricant des croustilles Cheetos, Doritos, Lay’s, Ruffles et Sunchips boycotte depuis un mois les supermarchés de la chaîne Loblaw. La raison? Ces derniers refusaient les augmentations de prix demandées par Frito-Lay pour couvrir la hausse de ses coûts de production. Pour les consommateurs, quelles sont les conséquences de ces conflits entre transformateurs et épiceries?
Si vous avez l’habitude de visiter l’une des enseignes de Loblaw – Maxi, Intermarché, Axep et Provigo –, votre choix sera plus restreint dans le rayon des grignotines, mais serez-vous pénalisé pour autant?
Maurice Doyon, professeur titulaire au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval, en doute, pour la simple raison que les croustilles Lay’s et Doritos ne sont pas des «produits emblématiques», comme peut l’être le ketchup Heinz, par exemple.
«Le Heinz est un produit unique pour bien de gens, avance M. Doyon. C’est ça ou rien! C’est la même chose pour Coca-Cola et Pepsi. Pour les croustilles, je ne crois pas. La possibilité de substitution est sans aucun doute plus grande.»
L’entreprise canadienne Neal Brothers, qui produit des croustilles biologiques, a d’ailleurs confié à la CBC, au début du mois de mars, que des épiceries en manque de collations salées ont fait des commandes en toute urgence pour satisfaire la demande.
Qui plus est, les grignotines de Frito-Lay sont vendues dans plusieurs commerces. «Je ne vais pas à l’épicerie pour acheter des croustilles parce que je peux les acheter à la pharmacie, au dépanneur, et même à la station-service, ajoute le professeur de l’Université Laval. Je vais à l’épicerie, cependant, pour un produit emblématique spécifique.»
Des négociations serrées
Au-delà des comportements des consommateurs, il y a les relations contractuelles entre les transformateurs alimentaires et les détaillants. Si l’entreprise appartenant à Pepsico a décidé de ne plus livrer ses produits à la chaîne de supermarché Loblaw, c’est qu’elle détient un pouvoir de négociation. Habituellement, ce sont les épiceries qui ont l’avantage.
«Le distributeur veut maintenir ses marges parce que la concurrence est très forte, souligne JoAnne Labrecque, professeure de marketing de HEC Montréal. Il y a une négociation [avec le transformateur] et il y a des concessions de part et d’autre. Mais, parfois, les pouvoirs de négociation sont équivalents, comme dans le cas de Frito-Lay, qui retire ses produits des tablettes.»
Des transformateurs québécois, et même canadiens pourraient difficilement imiter la multinationale Frito-Lay, qui écoule sa marchandise dans une multitude de commerces, et ce, partout dans le monde, puisqu’ils sont «dépendants des distributeurs [qui] représentent une grosse part de leurs ventes», mentionne Mme Labrecque.
Autrement dit, les transformateurs alimentaires doivent assumer leurs coûts de production tout en maintenant leurs ventes pour assurer leur rentabilité, sans quoi leur produit ne peut plus exister. C’est alors la variété des aliments offerts dans les épiceries qui est réduite.
La fin du «Far West»?
Ces négociations entre transformateurs et détaillants alimentaires se déroulent dans un environnement qualifié de «Far West» par Maurice Doyon. Les ministres provincial et fédéral de l’Agriculture ont d’ailleurs convenu en juillet 2021 d’élaborer un code de conduite qui déterminerait les bonnes pratiques ainsi qu’un mécanisme de résolution des conflits.
«Les grands distributeurs travaillent avec de gros volumes, mais leur marge est très petite. Sur l’ensemble du volume, ils font des sous, mais, parfois, ils décrètent de façon unilatérale des changements aux contrats [d’approvisionnement]», précise M. Doyon.
Walmart Canada a par exemple annoncé à l’été 2020 que des «frais de développement d’infrastructure» de 1,25 % et de «développement du commerce électronique» de 5 % seraient imposés dès le mois de septembre suivant à ses fournisseurs afin de couvrir une partie des coûts de rénovation de ses magasins et de mise à jour de son site internet, rapportait La Presse. Cette stratégie visait à maintenir les «bas prix» pour la clientèle, mais elle accentue la pression sur les transformateurs alimentaires, qui veulent aussi faire leurs frais.
En attendant que les gouvernements fixent des balises, pourrait-il y avoir d’autres conflits du même genre que celui qui a éclaté entre Frito-Lay et Loblaw au Québec? JoAnne Labrecque croit que oui. «Il y a des augmentations de coût partout», soulève-t-elle.
>> À lire aussi: Surveiller l’exactitude des prix pour économiser à l’épicerie et Enquête épiceries en ligne: où magasiner?
L'envoi de commentaires est un privilège réservé à nos abonnés.
Déjà abonné? Connectez-vous
Il n'y a pas de commentaires, soyez le premier à commenter.