Précautions à prendre avant l'inspection préachat d'une maison
En 2000, nous avions tour à tour fait venir 12 inspecteurs dans une maison prétendument à vendre. La moitié nous avait remis un rapport très incomplet.
Huit inspecteurs n’avaient pas jugé bon d’alerter l’acheteur à propos d’une importante fissure qui laissait entrevoir des travaux de pieutage de 25 000 $, et quatre n’avaient pas souligné que deux tuyaux de ventilateur de salle de bains expulsaient l’air dans le vide sous toit, ce qui pouvait générer d’importants problèmes de moisissures. Résultat: dans presque tous les cas, l’acheteur ne disposait pas des informations de base pour négocier un juste prix.
«Votre enquête a permis de faire du ménage dans l’industrie», assure Albert Arduini, technologue professionnel et président de l’Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ), qui estime regrouper environ 40 % des quelque 500 inspecteurs de la province. Mais le nettoyage semble loin d’être terminé. « Le secteur n’est toujours pas réglementé, la formation n’est pas uniforme et n’importe qui peut encore s’improviser inspecteur en bâtiment», dit-il.
Encore aujourd’hui, des rapports souffrent de ce manque de réglementation. Des jugements récents tendent néanmoins à discipliner les négligents. Prenons ce triplex de Québec acquis par Francine Lemieux en février 2000. L’inspecteur Jacques Martel soulignait dans son rapport: « Le triplex a eu un affaissement au début de la construction. Présentement, la situation semble stable.» Mais après l’achat, les fissures et les refoulements d’égout se multiplient, et l’ingénieur engagé par Mme Lemieux pour faire une expertise de la situation ne voit qu’une solution: le pieutage, qui représente une dépense de dizaines de milliers de dollars.
«Selon [l’ingénieur], le rapport d’inspection préachat allume plusieurs lumières jaunes alors que tous les indices étaient présents pour allumer des lumières rouges», a écrit le juge Raoul Barbe en décembre 2008 avant de condamner l’inspecteur et l’entreprise ComSpec à payer 55 000 $ à leur cliente. ComSpec a porté ce jugement en appel. Selon le juge, l’inspecteur aurait dû suggérer à sa cliente d’engager un expert pour s’assurer que les signes visibles ne cachaient pas un grave problème.
>> À lire aussi: Tout savoir sur l’inspection préachat d'une maison (article publié en 2015)
Inspection attentive, mais pas exhaustive
La mise à jour récente des normes de l’AIBQ souligne bien que l’inspection en bâtiment «est une inspection visuelle et attentive, qui n’est cependant pas techniquement exhaustive ». Mais on ajoute que l’inspecteur doit suggérer une expertise approfondie « lorsqu’un nombre suffisamment élevé d’indices lui permet de conclure à une déficience». Depuis quelques années, plusieurs rapports suggèrent effectivement d’engager un spécialiste pour vérifier un élément suspect. Cette façon de faire permet au client d’éviter des mauvaises surprises, mais elle protège aussi l’inspecteur en cas de recours judiciaire si un problème survient après l’inspection.
«Il y a 10 ans, l’inspecteur écrivait : "Les fissures du mur de fondation ont l’air pas pires", alors qu’aujourd’hui il va suggérer une expertise de 3500 $ pour des fissures capillaires», illustre le technologue professionnel Vincent Gautreau. Ainsi, un juge aura tout le loisir de conclure que l’acheteur aurait découvert le problème s’il avait suivi le conseil de l’inspecteur. Mais qui paiera plus de 3000 $ pour des tests avant de décider d’acheter ou non une résidence ? Et comment le client peut-il savoir si l’inspecteur abuse de ce procédé pour se protéger ? Difficile de répondre simplement. «Un juge pourrait très bien conclure qu’un inspecteur doit se commettre davantage», dit Albert Arduini. Examinons le cas de cette trace humide découverte par l’inspecteur sur la dalle de béton du sous-sol.
«Son travail est de questionner le résidant, dit René Vincent, ingénieur et inspecteur en bâtiment. S’il se fait répondre que c’est son chien qui a uriné là ce matin, il le consigne dans son rapport au lieu de demander qu’on engage un spécialiste pour s’assurer qu’il s’agissait bien de l’urine du chien ! illustre-t-il à la blague. Ainsi, l’acheteur aura un recours plus solide si la situation perdure après le déménagement du chien.»
Vice apparent ou vice caché ?
Une inspection préachat étant d’abord une vérification visuelle, elle doit mettre en lumière les vices apparents, pas les vices cachés. Le Code civil définit un vice apparent comme un problème « qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert », alors qu’un vice caché ne peut pas être décelé par un examen prudent.
Pour reconnaître un vice apparent lorsque vous en croiserez un, vous risquez toutefois de devoir être accompagné par un expert ! Des joints de briques à refaire, des fenêtres de sous-sol trop petites, une entrée électrique insuffisante, un vide sous toit mal ventilé, un conduit de cheminée non conforme sont autant d’éléments pour lesquels vous n’aurez aucun recours contre le vendeur après l’achat. Les déceler avant vous permet de mieux évaluer le coût des rénovations et de négocier à la baisse le prix d’achat. Et dans certains cas graves, comme des signes d’infiltration qui laissent entrevoir de coûteuses réparations, vous serez bien content de les avoir vus venir.
>> À lire aussi: Que faire en cas de vice caché?
Critiques et reproches
René Vincent n’est pas tendre envers ses collègues. «Comparés à ceux d’il y a 10 ans, les rapports sont plus étoffés, mais ils disent moins de choses !» déplore-t-il. Selon lui, on trouve trop de rapports vagues de 50 pages. « L’inspecteur écrit que le drain français a 25 ans et qu’il faudrait songer à le changer, mais il devrait plutôt se concentrer sur l’inspection visuelle et écrire qu’il ne voit aucun signe d’infiltration», donne-t-il en exemple.
René Vincent déplore aussi les rapports non personnalisés. «On n’écrit pas au client de s’assurer que les mains courantes de l’escalier sont réglementaires, on lui dit si elles le sont ! Et à quoi bon donner plein de conseils sur l’entretien des fondations en moellons [pierres] si les siennes sont en béton ?» En 2006, la juge Suzanne Handman a passé tout un savon à l’inspecteur Jacques Daigle pour son rapport de type «copier-coller» d’un duplex montréalais.
« Le rapport de l’inspecteur est très général et presque inutile au but visé par l’inspection préachat. La plupart des constatations manquent de précisions et se lisent comme une énumération des composantes d’une maison. Les recommandations, pour la plupart, constituent des conseils d’entretien d’une maison et ne sont pas spécifiques à la propriété de l’acheteuse.» Tout ça pour une inspection qui va généralement coûter autour de 500 $, soit deux fois plus cher qu’il y a 10 ans.
Six règles d'or avec l'inspection
1) Gardez votre sang-froid
Vous avez fait le tour de plusieurs maisons, et ça y est: vous avez le coup de foudre pour la neuvième sur votre liste. Les heures suivant la première visite de cette résidence passent et vous vous mettez à idéaliser votre éventuel achat; vous vous en voyez même déjà propriétaire! «C’est à ce moment que les gens se pressent et prennent des raccourcis», dit Albanie Morin, coordonnatrice à l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction. Et ils s’en mordent parfois les doigts pendant longtemps.
2) Faites faire une inspection!
Demander que l’offre d’achat soit conditionnelle à une inspection satisfaisante vous apparaît comme une évidence ? Dans la région montréalaise, environ la moitié des ventes de maisons se font sans inspection, assure Albert Arduini, président de l’Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ).
«Parfois le client se considère comme assez bon pour inspecter lui-même une résidence, parfois il la visite accompagné d’un ami qui dit s’y connaître, un entrepreneur par exemple.» Mais l’acheteur n’aura que lui-même à blâmer pour les conséquences d’un vice apparent non détecté. Pour un achat de 200 000 $, dépenser 500 $ pour obtenir un bon aperçu de votre investissement n’est pas une protection futile, soutient M. Arduini.
3) Ne demandez pas à l’agent s’il connaît un inspecteur
Malheureusement, plusieurs futurs acheteurs commettent encore cette erreur. «Le but premier d’un agent immobilier, c’est de vendre. Il peut alors être tenté de vous choisir un inspecteur complaisant», rappelle Albanie Morin. Pour ne pas être pris de court, la meilleure chose à faire est de dénicher un inspecteur en bâtiment avant de commencer à visiter des maisons.
Oui, l’agent immobilier peut être un «partenaire». Méfiez-vous quand même de ses suggestions de «collaborateurs». Après tout, il est payé pour vendre.
L’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec tolère cette pratique, mais demande aux agents de suggérer plusieurs inspecteurs.
4) Dénichez le bon inspecteur et concentrez vos énergies sur deux éléments
- Son assuranceLA question à poser: détient-il une assurance responsabilité pour les erreurs et les omissions ? «Moi, personne ne me demande ça », déplore l’ingénieur et inspecteur préachat René Vincent.Grâce à cette assurance, si le toit vous tombe sur la tête et que les signes de pourriture étaient évidents, mais que l’inspecteur ne vous en a rien dit, vous serez dédommagé. De plus, en limitant vos recherches à ceux qui détiennent cette assurance, vous diminuez le risque de tomber sur une pomme pourrie: les inspecteurs accusés à répétition de négligence n’arrivent souvent plus à se faire assurer. Si l’inspecteur est ingénieur, architecte, évaluateur agréé ou technologue professionnel, vous n’avez qu’à contacter son ordre professionnel pour vous assurer qu’il détient la bonne assurance. Pour les autres, il est conseillé de demander à l’inspecteur une copie de son contrat d’assurance, puis de contacter l’assureur pour obtenir la confirmation. Des vérifications arides, soit, mais qui pourraient vous épargner des années de soucis en cas de pépin.
- Son rapportUn inspecteur qui recommande constamment dans son rapport d’engager un expert pour confirmer ses doutes ne vous sera pas très utile. Demandez-lui des références de clients et des copies de rapports pour vous faire une meilleure idée de son travail. Demandez-lui aussi s’il intègre la Déclaration du vendeur dans le rapport qu’il vous remet. Ce document passe en revue les principaux éléments de la maison, pour lesquels le propriétaire souligne s’il est au courant de problèmes et inscrit les réparations et rénovations effectuées. Un bon inspecteur va lire ce document et intégrer les informations à ses observations. Ainsi, le rapport gagne en précision, et l’acheteur sait plus ce qu’il va acquérir. Si l’inspecteur fait ce travail d’intégration, il gagne des points!
5) Sachez ce que l’inspecteur ne vérifie pas
Il n’y a pas de norme unique à l’égard des inspections préachat. Toutefois, les règles de base d’une bonne inspection sont consignées dans deux documents relativement similaires, un publié par l’AIBQ, l’autre par InspectionPréachat.org.
En général, l’inspecteur se concentre sur ce qui est visible. Par exemple, il doit regarder s’il y a des signes d’infiltration d’eau, mais il n’a pas à donner son avis sur l’état du drain français, qui est enfoui. Il doit examiner le toit, mais il n’a pas à dégager la neige qui l’encombre. S’il ne peut pas évaluer correctement un élément, comme le toit dans l’exemple précédent, il doit le mentionner dans son rapport et dire pourquoi.
Restent les zones grises. L’inspecteur n’a pas à déplacer d’objets ou de meubles, mais il y a des limites, a souligné la juge Suzanne Handman à un inspecteur qui n’avait pas vu le plancher de bois noirci par une infiltration d’eau. «Rien n’empêche un inspecteur de soulever un tapis ou de regarder en dessous des meubles. Dans la mesure du possible, il peut également demander au vendeur de déplacer des boîtes ou autres objets», a sermonné la juge.
6) Consultez ces sites Web
Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC)
L’ACQC est un bon premier contact pour obtenir des conseils ou formuler une plainte. Ils pourront vous orienter vers les bonnes ressources. 514-384-2013 ou 1-877-624-7667
Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ)
Ses 200 membres sont évalués avant d’être acceptés. L’AIBQ publie ses normes de pratique, assez similaires à celles du site InspectionPréachat.org. L’AIBQ exige une assurance responsabilité de type «erreurs et omissions», mais contrairement aux ordres professionnels, elle ne vérifie pas si l’inspecteur en détient vraiment une. Cette tâche vous revient donc. 514-352-2427 ou 1-877-644-2427
Société canadienne d’hypothèques et de logement
La SCHL publie un intéressant guide gratuit de quatre pages intitulé Le choix d’un inspecteur en bâtiment.
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