En février 2018, j’ai téléchargé sur mon téléphone Mylo, une application financière qui arrondit automatiquement chacune de mes opérations bancaires au dollar supérieur et investit la petite monnaie ainsi économisée. Bilan des courses : j’ai épargné 1 166,91 $ en 2018.
Le principe de cette application est simple. Supposons qu’à la boulangerie, vous payez 9,25 $ avec votre carte de débit. Mylo, qui a accès à toutes vos opérations bancaires, arrondit cette dépense au dollar supérieur, soit 10 $, met de côté 0,75 $ et investit ce montant pour vous.
Pour chaque dépense ainsi réalisée avec l’une de vos cartes de débit ou crédit, l’application procède à l’identique. Mais plutôt que de ponctionner votre compte chaque fois que vous faites une dépense, Mylo réalise un prélèvement unique chaque semaine.
Chaque lundi donc, l’application fait le compte des sommes arrondies au cours de la semaine écoulée et prélève un seul montant depuis le compte auquel vous lui aurez donné accès.
Vous épargnez ainsi sans vous en rendre compte et, reconnaissons-le : dans mon cas, cela a plutôt bien fonctionné. En 2018, j’ai donc épargné presque 1 200 $. Un pécule intéressant.
Mais, car il y a plusieurs « mais », cela n’a pas été aussi simple et indolore que le prétend l’application.
Pour commencer, Mylo établit votre profil d’investisseur en quelques questions sommaires et détermine un portefeuille de produits financiers censé convenir à vos besoins. Mais, comme nous l’avions souligné dans un article sur les robots-conseillers parus en août 2018, l’utilisation de questionnaires automatisés pour sélectionner un portefeuille comporte certaines limites, le questionnaire n’abordant pas certains enjeux financiers importants (si vous versez une pension alimentaire, si vous êtes endetté, etc.)
Connexions bancaires
Par ailleurs, il a fallu plusieurs semaines pour que Mylo fonctionne sur mon téléphone. En jeu : la capacité de l’application à se connecter à mes données bancaires. C’est d’ailleurs une limite que bien des consommateurs ne voudront pas franchir : pour que l’appli prélève vos petites économies, vous devez l’autoriser à entrer dans les comptes gérés par votre institution financière. Pour cela, vous lui fournissez vos identifiants.
En mars 2018, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) avait communiqué sur les risques reliés à de telles divulgations. En substance, l’ACFC expliquait qu’en révélant ses noms d’utilisateur et mots de passe à une tierce partie [Mylo dans mon cas], un consommateur « pourrait enfreindre les contrats d’utilisation conclus avec son institution financière et être tenu responsable des pertes découlant d’opérations non autorisées. »
Oups.
J’ai donc pris le risque d’enfreindre les contrats d’utilisation conclus avec mon institution financière.
Finalement, les premiers prélèvements ont été effectués à partir de mi-février 2018. 20,68 $, 19,99 $, 29,60 $, etc. Après trois mois, un peu plus de 200 $ sont venus garnir mon compte. Pas mal, mais à ce rythme-là, je me suis dit que je ne parviendrais jamais à atteindre mon objectif : économiser 5 000$ à l’horizon fin 2022 pour « réaliser un voyage ».
J’ai donc choisi d’utiliser le « booster » de l’application. Vous avez en effet la possibilité d’appliquer un coefficient multiplicateur à chaque somme arrondie. Si je reprends mon exemple du départ : sur ma dépense de boulangerie de 9,25 $, Mylo met de côté 0,75$. En appliquant le coefficient x 2, par exemple, j’épargne 1,50 $. Il est même possible de tripler ou quadrupler la somme arrondie.
Si je ne l’avais pas fait, j’aurais épargné environ 700 $ en fin d’année. Ce qui, on s’entend, est déjà une belle somme. En appliquant ce coefficient et parce que mes finances me le permettent, j’ai donc économisé 400 $ supplémentaires.
Rendements : heu, comment dire…
Et mes placements dans tout ça. Car, n’oublions pas que Mylo n’est pas qu’une simple tirelire.
Mon profil d’investisseur est modéré, et le portefeuille qui m’a été attribué comporte des actions domestiques et mondiales (40 %) et des placements à revenu fixe (60 %). Mylo est plutôt classique dans ses choix de placements. En cours de route l’an dernier, j’ai posé des questions au gestionnaire de mon portefeuille sur la nature des entreprises et secteurs d’activité dans lesquels mon argent est placé – sous-entendu, est-ce que Mylo investit dans des fonds liés à l’industrie du pétrole ou du gaz de schiste?
Il m’a été répondu que le service étant encore récent, l’appli n’était « pas encore en mesure d'offrir tous les types de fonctionnalités et de personnalisation des produits ». Mylo ne sélectionne donc « ni pour ni contre, des produits ou des sociétés basés sur des critères éthiques. » Aïe.
À noter que dans le courant de l’année, une mise à jour de l’application a été faite et permet désormais d’enregistrer vos économies dans un REER ou un CELI afin qu’elles fructifient à l’abri de l’impôt.
Finalement, j’ai reçu cette semaine mon « rapport de performance » 2018. J’ai donc économisé 1 166,91 $ l’an dernier. Mais le taux de rendement depuis l’ouverture de mon compte a été médiocre (-5,28 %). Conclusion : j’ai perdu 26,35 $ sur mon épargne totale de l’année.
Dans la lettre qui accompagne le rapport, mon gestionnaire de portefeuille rappelle que les marchés d’actions « ont connu un déclin fin 2018 », mais qu’il est important « de maintenir le cap » en 2019. Je ne suis pas certain d’être convaincu.
Conclusion
Mylo a le mérite de forcer l’épargne. Quand on sait que le taux d’épargne moyen au Québec s’établissait à 6,2 % du revenu disponible en 2016 alors que les planificateurs financiers recommandent au moins 10 %, je me dis que c’est une bonne chose.
Mais à part ça? Est-ce que j’ai véritablement besoin de Mylo pour économiser cet argent?
Finalement, qu’est-ce qui m’empêche de programmer un virement automatique hebdomadaire depuis mon compte courant vers un compte d’épargne à taux d’intérêt élevé de mon institution financière?
Rien ne m’en empêche, en fait…