Dans le dernier budget fédéral, le gouvernement du Canada a indiqué son intention d’établir un droit à la réparation des biens, avec l’objectif de mettre en place un cadre ciblé pour les appareils électroménagers et électroniques en 2024.
En attendant les consultations prévues cet été à ce sujet, voici mes cinq propositions pour créer un droit à la réparation qui aurait un réel impact.
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1 - Encadrer intelligemment la disponibilité et le prix des pièces de rechange
Si les consommateurs veulent pouvoir réparer leurs appareils électroniques plutôt que de les jeter au recyclage quand ils cessent de fonctionner, il faut être en mesure de mettre la main sur des pièces de rechange. Leur disponibilité, idéalement pour le consommateur directement, sinon au moins pour les réparateurs professionnels, sera donc au cœur de tout droit canadien à la réparation.
Ottawa devra forcer les fabricants à offrir ces pièces, mais ce n’est là qu’une partie de l’équation. Le gouvernement devra aussi s’assurer qu’elles sont offertes à un prix juste et proportionnel au prix de l’appareil lui-même (exemple, l’ensemble des pièces détachées d’un téléphone à 1000 $ ne devrait pas pouvoir coûter 3000 $).
Des exceptions pourraient être envisagées, par exemple pour protéger les plus petits fabricants (ou du moins, ceux qui ne vendent que sous un certain montant annuellement au Canada). Cela permettrait de ne pas étouffer les jeunes pousses. Cela éviterait en plus que certaines entreprises choisissent de ne pas lancer leurs produits au Canada pour échapper à la réglementation.
2 – Assurer la réparation à long terme
L’Union européenne, également, chemine vers le droit à la réparation. Parmi les éléments intéressants prévus dans la directive européenne (elle doit encore être adoptée par le Parlement européen), notons que les appareils électroniques couverts par la loi (comme les téléviseurs, les téléphones ou les lave-vaisselles) devront pouvoir être réparés pour au moins cinq à dix ans, selon leur catégorie.
Ici aussi, au Canada, il serait intéressant d’instaurer un droit à la réparation pour une durée proportionnelle à l’usage de l’appareil.
3 – Harmoniser la garantie légale au Canada
Au Québec, les produits vendus sont couverts par la garantie légale qui va bien au-delà de la garantie offerte par les fabricants. Si l’antenne de votre iPhone cesse de fonctionner après deux ans, vous devrez souvent payer plus de 900 $ pour la réparer dans un Apple Store. Si vous invoquez la garantie légale, l’opération pourrait bien être gratuite.
Les lois protégeant les consommateurs varient toutefois d’une province à l’autre. Encourager les autres provinces à offrir une garantie légale aussi forte pourrait être un incitatif qui pousserait les fabricants à améliorer la réparabilité de leurs appareils, et cela faciliterait l’accès à la réparation.
4 – S’inspirer des bons coups de la proposition européenne
Le droit à la réparation proposé en Europe n’est pas parfait (les associations de défense des consommateurs regrettent par exemple le fait qu’il n’encadre pas suffisamment le prix des réparations), mais certains éléments pourraient être repris par le Canada.
Outre le fait d’imposer la réparation pour plusieurs années après la fin de la garantie, la Commission européenne propose la création de plateformes nationales en ligne pour mettre en relation les réparateurs et les recycleurs, notamment, et la mise en place d’un processus de soumission harmonisé pour les réparations. Dans les deux cas, l’objectif est le même : faciliter l’établissement d’un écosystème complet pour la réparation.
5 – Encourager les réparateurs indépendants
Il existe au Québec plus de 720 réparateurs d’appareils électroniques, de gros électroménagers, de petits électroménagers et d’appareils de climatisation, selon la carte interactive des réparateurs proposée par Protégez-Vous.
Ces réparateurs sont essentiels pour un droit à la réparation fort. Ces spécialistes ont accès aux pièces génériques qui peuvent faire diminuer le coût des réparations et qui leur permettent de réparer de plus gros objets localement. Les réparateurs indépendants peuvent aussi effectuer une réparation longtemps après qu’un fabricant a cessé d’offrir le service.
Différentes mesures pourraient également être adoptées pour les encourager, en réduisant les taxes sur les réparations, par exemple, ou en mettant en place un crédit d’impôt à la réparation.
Plus il y aura de réparateurs, plus il pourra y avoir de réparations ; de quoi entraîner des répercussions positives pour les consommateurs, pour l’environnement et pour l’économie.
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