Je nage en pleine gastro. Non pas que j’ai contracté la vilaine maladie, mais je vous prépare un article sur les rappels alimentaires et les intoxications qui peuvent s’en suivre. Le cauchemar de tout hypocondriaque.
Il existe plus de 200 maladies d’origine alimentaire, m’a dit Anne-Marie Desbiens, chimiste spécialisée en alimentation et auteure du blogue La Foodie Scientifique. «Quand on a mal au ventre, on met souvent la faute sur le petit à la garderie, mais on sous-estime le pouvoir des aliments à nous rendre malades», dit-elle.
La contamination peut évidemment avoir lieu à la maison: une viande pas assez cuite, un fruit pas lavé, des crevettes mal décongelées... Mais elle peut aussi survenir au champ ou à la ferme. Elle est alors hors de notre contrôle.
Les récentes éclosions d’E. coli dans la laitue romaine aux États-Unis, dont la source provenait de l’eau contaminée à proximité des cultures, l’ont d’ailleurs prouvé. Des dizaines de Canadiens et d’Américains sont tombés malades. Certains ont été hospitalisés. Un Canadien en est même mort.
Un nouveau règlement
Une nouvelle loi pourrait changer la donne. Depuis janvier 2019, un nouveau règlement impose à toutes les entreprises alimentaires qui importent au Canada ou qui font du commerce entre provinces d'obtenir une licence.
D’ici 2022, ces producteurs et fabricants devront montrer patte blanche en se dotant d’un plan pour prévenir et gérer les risques de contamination, en plus de mettre en place des registres de traçabilité. Ils seront forcés de connaître tous leurs fournisseurs et les établissements à qui ils ont vendu leurs produits.
Autrefois, seuls les aliments produits au Canada et considérés à risque, comme les viandes, les poissons, les produits laitiers et les œufs, devaient s’enregistrer auprès des autorités fédérales.
Le nouveau règlement n’a pas fait grand bruit, il représente pourtant un changement radical pour l’industrie alimentaire, surtout pour les petites entreprises, qui n’étaient pas nécessairement organisées.
Son but est de rendre le système de rappels plus efficace, afin de pouvoir retirer des tablettes les produits non salubres plus rapidement. Selon plusieurs experts à qui j’ai parlé, cela devrait vraisemblablement aider.
L’objectif est aussi «d’introduire des normes uniformes à l’échelle du secteur alimentaire au Canada», peut-on lire sur le site de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).
Un Canada désuni?
En réalité, les normes ne sont pas uniformes pour toutes les entreprises alimentaires, déplorent des spécialistes. Ce qui pourrait affecter la sécurité de certains aliments qui composent votre assiette.
Parce qu’elle est de compétence fédérale, cette licence n'est pas obligatoire pour les entreprises qui ne font affaire que dans leur province. «Une boulangerie qui alimente Gatineau et Ottawa, avec un chiffre d’affaires de 150 000 $, doit se conformer à la loi. Par contre, une entreprise de la région de Québec qui nourrit 400 000 personnes, avec un chiffre d’affaires d’un million de dollars, en est exempte. Ce n’est pas logique», juge Samuel Godefroy, professeur en analyse des risques et politiques réglementaires des aliments à l’Université Laval.
Or, c’est le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) qui doit s’assurer de la salubrité de ces entreprises locales, soutient l’ACIA. Cette division des pouvoirs s’observe aussi pour tout ce qui est relatif à l’étiquetage des aliments.
Samuel Godefroy était directeur général des aliments à Santé Canada au moment de l’élaboration de ce règlement. Selon lui, la Loi sur la salubrité des aliments doit s’appliquer à tous les aliments. Qu’ils voyagent entre provinces ou pas.
La chimiste Anne-Marie Desbiens se dit aussi déçue de cette discrimination provinciale: «Tous les aliments dans notre assiette ne seront pas au même niveau», regrette-t-elle.
Le reportage sur les rappels alimentaires sera publié dans le numéro de juin 2019 de Protégez-Vous.