Je n’oublierai jamais cette scène : alors que je faisais la file au supermarché, il y a quelques années, une jeune caissière en est presque venue aux coups avec un client pour un casseau de fraises « en spécial ».
Le consommateur exigeait — disons intensément — que le prix unitaire du « rabais multiple » affiché s’applique à l’unique petit bol coiffé de pellicule plastique qu’il venait de sélectionner avec soin. J’oublie les chiffres exacts, mais ça devait être quelque chose comme trois unités pour 5 $, ce qui signifierait que chacune revient en théorie à 1,67 $. La caissière s’est vite laissée prendre au jeu, exprimant son refus catégorique de plus en plus fort (et peut-être au péril de sa santé cardiovasculaire). Il a fallu que sa superviseure intervienne pour qu’elle se retire avec, pour seul prix de consolation, la certitude de ne pas être dans le tort.
L’anecdote a inspiré un des exemples de cet article, publié sur notre site en 2013, à propos de la politique d’exactitude des prix. Et vous savez quoi ? Après avoir fait des vérifications dans les textes officiels, puis des entrevues avec des experts, notre journaliste avait dû se rendre à l’évidence: la caissière avait raison, dans le cas du casseau-gate! Or, la tristounette petite affiche explicative de la politique, placée bien en évidence juste devant les deux adversaires, ne les a pas aidés à mettre fin à leur drame cornélien.
Une politique, 1000 exceptions
À la base, la loi sur la protection du consommateur prévoit que les commerçants doivent apposer un prix sur tous les produits qu’ils mettent en vente. Plus les magasins grossissent, plus cela s’avère difficile. La politique d’exactitude des prix permet aux entreprises de s’exempter de cette obligation, à condition de dédommager leurs clients en cas d’erreur à la caisse (les commerçants qui étiquettent tous leurs produits, eux, n’ont pas à le faire).
En théorie, ça se comprend. Or, « je crois que neuf fois sur dix, quand je demande de corriger une erreur de prix, je me fais répondre [que le commerçant est exempté de la politique]. Il y a toujours une exception pour les pharmacies, fruiteries, etc. », nous a écrit une lectrice, Diane Vézina, après la mise en ligne de ce billet de blogue sur les faux rabais en épicerie.
Notre lectrice a raison. La politique ne s’applique ni au lait de vache, ni aux produits du tabac, ni aux médicaments d’ordonnance, ni aux vêtements. Elle est en vigueur pour l’alcool de la SAQ, mais pas pour celui des épiceries et des dépanneurs. Et rien de ce qui se vend au poids ou en vrac n’est concerné. En outre, c’est non pour votre pizza congelée, mais oui pour votre pizza fraîche vendue dans le réfrigérateur de l’épicerie. Mêlé? Voyez cette liste d’exceptions, mais je ne vous garantis pas que la règle vous semblera tellement plus claire par la suite.
Par ailleurs, ne vous obstinez pas avec le gérant de la pépinière, puisque les arbres, plantes et fleurs sont toujours exemptés de l’article de loi sur l’étiquetage individuel des prix. Comme tout ce qui se vend moins de 60 sous (au fait, y a-t-il encore, en 2017, assez de produits qui se vendent moins de 60 sous pour justifier une exception dans la politique ?).
Avis aux pros de la politique d’exactitude des prix: donnez-nous vos trucs pour la faire appliquer sans chicane, en écrivant à [email protected]. Si j’en reçois suffisamment, j’en ferai la politique de zénitude des prix!