Le rosé se décline en une large palette, du plus pâle au plus foncé. Encore aujourd’hui, les vins rosés font face à plusieurs préjugés. Indissociables des beaux jours de l’été, ils sont jugés malheureusement trop souvent à leur couleur. Ainsi, avant même d’avoir ouvert la bouteille, nombreux sont les gens qui le considèrent tantôt comme trop pâle et trop féminin, tantôt comme trop foncé, trop fruité et trop sucré. On ne discrimine pourtant pas les blancs et les rouges de cette façon !
Vrai, la couleur d'un rosé peut donner une idée de son style, mais plusieurs consommateurs la voient comme un gage de qualité. L’idée reçue la plus véhiculée à l’heure actuelle : plus le rosé est pâle, meilleur il sera. Or, cette généralisation est inexacte. Un vin rosé pâle n’est pas automatiquement délicat et élégant, car de nombreux paramètres peuvent influencer son goût.
Cette tendance aux rosés presque incolores est apparue en partie en raison de la popularité croissante du rosé de Provence. Depuis quelques années, l’engouement pour ces vins du sud de la France particulièrement pâles, frais et élégants, aux arômes délicats de fleurs et de fruits rouges, a provoqué une homogénéisation de la couleur sur les tablettes, sans égard à la provenance des bouteilles. Ce qui compte, c’est l’attractivité visuelle ! Cette tendance a pris à ce point de l'ampleur que certains producteurs vont jusqu'à ajuster la couleur de leur rosé, par filtration, au détriment de la diversité régionale et du terroir. Ainsi, il est possible de trouver des vins quasi clairs comme de l'eau, dénués de presque tout caractère fruité, ce qui suggère que plus d'efforts ont été mis sur leur apparence que sur leur goût. D’ailleurs, la bouteille transparente est la norme, pour pouvoir bien montrer la couleur.
Regardons plutôt ce qui influence vraiment cette jolie teinte. D’abord, le cépage joue un rôle crucial ici. Certains raisins ont une peau plus épaisse, ce qui signifie potentiellement plus d'extraction de couleur. Par exemple, un rosé de mourvèdre – comme du bandol, au profil aromatique, charnu, épicé et unique – sera toujours plus coloré qu’un rosé de grenache. Ensuite, la méthode de vinification peut donner un aspect visuel différent au liquide. La plus répandue du côté des rosés est la macération. Comme la couleur du vin vient de la peau des raisins, ce type de rosés est fabriqué exactement comme les vins rouges, à l’exception qu'il macère avec la peau moins longtemps (généralement entre 6 et 48 heures). Plus la macération est longue, plus le rosé sera foncé.
Une autre technique a aussi gagné en popularité : le pressurage direct. Utilisée pour produire des rosés plus légers, elle n’implique pas de temps de macération. Les raisins sont pressés au moyen d’un contact avec la peau très limité, ce qui explique leur couleur très pâle. Par ailleurs, il y a aussi les rosés de saignée : pendant la production d'un vin rouge, lors de la macération, un producteur peut décider d'extraire une partie du jus. Le résultat est un vin rouge plus concentré, puis une deuxième cuvée de vins rosés faits à partir du liquide ainsi extrait. Cela ne signifie pas que les rosés de saignée sont de moindre qualité, mais ceux-ci ont tendance à être plus riches et à dévoiler des arômes fruités intenses.
En fin de compte, tout se résume à votre goût, bien sûr, mais le message est clair : ne jugez pas un rosé par sa seule couleur. Un rosé foncé peut être sec et élégant, tandis qu’un rosé pâle peut être sucré et « bonbon », et vice-versa. Attardez-vous d’abord aux cépages et à la provenance du vin pour vous donner une meilleure idée de son style.