Dans les embouteillages, il suffit de jeter un œil autour de soi pour constater à quel point le paysage automobile s’est uniformisé au cours des dix dernières années. « Que des VUS », se désolent les groupes écologistes.
On ne va pas les nommer, mais il y en a beaucoup. Beaucoup trop. Toutes les firmes s’y sont ralliées, y compris les plus sportives. Même Ferrari n’a pas su résister… Le véhicule utilitaire sport (VUS) est entré dans les mœurs automobiles.
Jusqu’à tout récemment, tout laissait croire qu’il serait difficile de l’en déloger. Mais son succès des dernières années repose sur des piliers de plus en plus fragiles, surtout avec la montée en puissance de la propulsion électrique.
Constructeurs, analystes et consommateurs ne peuvent s’imaginer le jour où la domination du VUS va s’arrêter. Après tout, ce type de véhicule apprécié notamment pour son aspect pratique et sa position de conduite surhaussée nous fait oublier à quel point il est encombrant et glouton. Et banal, ajouterais-je. Il reste LE favori dans les intentions d’achat. Sa part dans les immatriculations ne cesse de grimper, et le catalogue de produits de chaque marque en regorge. « Pas de VUS, pas de ventes », chante en chœur l’industrie.
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Fausse perception
L’industrie a même cru que le VUS avait les attributs nécessaires pour une transition en douceur vers le tout électrique. Son envergure se prêterait mieux pour accueillir des accumulateurs sous son plancher sans compromettre la polyvalence recherchée par la clientèle. Et sur le plan du style, les proportions demeureraient sensiblement les mêmes, le véhicule étant déjà surélevé.
Aujourd’hui, ces arguments ne tiennent plus la route.
Car, pour maximiser son autonomie, un véhicule électrique doit présenter une silhouette très fine ou, si vous préférez, un coefficient de traînée aérodynamique (Cx) très faible. Une performance que ne peut logiquement réaliser un VUS en raison de sa taille et de sa forme.
C’est ici que la berline (et cela vaut aussi pour les coupés, les cabriolets et autres victimes du VUS) tient sa revanche. Mercedes, par exemple, en a apporté une preuve supplémentaire avec la Vision EQXX. Cette voiture concept dont le Cx est de seulement 0,17 (doubler ce chiffre pour établir celui d’un camion) lui a notamment permis de parcourir 1 202 kilomètres avec une seule charge.
Le poids réduit (autre tache au dossier du VUS), l’efficacité de son unité de puissance ont contribué à la performance de la Vision EQXX, mais il ne faut pas négliger l’apport de l’aérodynamique.
Par ailleurs, la Vision EQXX l’a démontré : nul besoin d’avoir l’ample carrosserie d’un VUS pour se sentir comme chez soi à son bord. La présence d’un moteur beaucoup plus compact et des accumulateurs sous le plancher permettent d’envisager une répartition des volumes assez différente et de maximiser le rapport habitabilité/encombrement.
Et le client qui se lasse
Greenpeace, Équiterre, Québec Solidaire et bien d’autres crieront sans doute victoire ici : certains propriétaires de VUS — pas tous — commencent aussi à en avoir marre de se faire pointer du doigt. D’autres remettent en question la logique de s’offrir un véhicule dont les performances (dans un sens très large) surpassent amplement les attentes réelles ou fantasmées. À quoi bon se procurer un VUS capable de grimper aux arbres ou de barboter dans le gué d’une rivière, si vous craignez de quitter le bitume et d’égratigner de (belles) grosses jantes scintillantes ?
Et au-delà de toutes ces considérations, les consommateurs commencent à se lasser des VUS, à commencer par les jeunes si on se fie aux études menées par des constructeurs comme Nissan ou Volvo. La nouvelle génération d’automobilistes ne souhaite pas se trouver aux commandes d’un type de véhicule à bord duquel elle a usé ses pantalons courts sur les sièges de deuxième ou de troisième rangée.
La nouvelle saveur de la berline
« La voiture basse de demain ne sera sans doute pas la berline telle que nous la concevons aujourd’hui », pense Steve McCabe, responsable du design avancé chez Buick.
La marque américaine a donné un avant-goût des formes qu’elle étudie avec l’Envista. Au-delà des codes esthétiques propres à Buick, retenons surtout que ce cherche à s’adapter aux attentes divergentes de la société. Sa garde au sol surélevée assure non seulement une position de conduite haute, mais facilite aussi l’accès ou la sortie du véhicule ― une critique souvent formulée par une clientèle plus âgée ou à mobilité plus réduite à l’égard des rares voitures berlines actuellement offertes sur le marché. Son hayon permet de retrouver la polyvalence à laquelle plusieurs consommateurs ne veulent plus renoncer.
Dans le jargon automobile, on fait référence ici à un crossover ou, si vous préférez en langage culinaire, une macédoine. Après des années de conformisme et de déficit de créativité, la berline découvre (enfin) de nouvelles saveurs. Enfin la revanche ?
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