Quand le printemps finit par se pointer le bout du nez, chacun a ses rituels pour accueillir la belle saison: la première sortie en vélo, les premiers burgers grillés sur le barbecue ou le premier cornet à la crèmerie du coin. Pour moi, je l’avoue, une des choses qui me fait réaliser que l’hiver est enfin terminé, c’est ma première brassée étendue sur la corde à linge. Je ne sais pas trop d’où me vient cet attachement profond à ce geste assez banal.
Une partie de la réponse vient certainement du fait que j’ai souvent tendance à sur-réfléchir à mes choix. Est-ce que ce café équitable, bio et certifié est vraiment un choix écologique? Devrais-je remplacer le lait de vache par du lait de soya? D’avoine? Le boire dans une tasse réutilisable? Est-ce que le fait de laver ma tasse annule mes gains écologiques? Ferais-je mieux de boire du thé?
Malheureusement, bien souvent, les solutions écologiques viennent avec une technologie lourde et complexe dont on a de la difficulté à mesurer tous les impacts. Oui, les autos électriques produisent globalement moins de GES que les voitures à essence, mais leur production nécessite plusieurs métaux et autres éléments dont les quantités sont limitées. Est-ce vraiment le meilleur choix pour la planète? Ne ferais-je pas mieux d’opter pour un petit véhicule à essence? Bref, j’ai souvent la migraine à force de peser les pour et les contre de chacun de mes choix.
Avec la corde à linge, pas besoin de se poser un million de questions: c’est clairement le choix le plus écologique. Non seulement on économise l’énergie de la sécheuse, mais, en plus, on prolonge la durée de vie de nos vêtements (puisqu’ils s’abîment moins rapidement) et celle de la sécheuse qui peut prendre un peu de repos. On économise aussi sur la facture d’électricité (une dizaine de cents par brassée). Et l’impact environnemental d’une corde et deux poulies n’a pas à être décortiqué de midi à quatorze heures! En fait, c’est l’exemple parfait de ce qu’on nomme la low-tech, c’est-à-dire une technologie simple, peu gourmande en ressource, efficace, facile à réparer et à entretenir et accessible à tous.
C’est pourquoi c’est un non-sens total pour moi de constater que certains syndicats de copropriétés, et même certaines municipalités ou certains quartiers interdisent toujours l’installation de corde à linge, prétextant habituellement des raisons esthétiques. Par exemple, à Montréal, les cordes à linge sont complètement interdites dans les quartiers de L’Île-des-Sœurs et d’Anjou-sur-le-lac. Plusieurs quartiers encadrent également leur installation. Elles sont parfois autorisées seulement dans les cours arrière des résidences et on peut interdire qu’elles traversent une ruelle ou s’accrochent à un poteau d’Hydro-Québec. Vous pourrez en savoir plus en visitant cette page.
Aux États-Unis, le mouvement «Right to Dry» vise à empêcher l’interdiction des cordes à linge. Dans une vingtaine d’États américains, comme le Colorado, la Floride, le Maine et le Vermont, il est maintenant impossible à une municipalité ou à une association de propriétaires d’interdire l’installation de cordes à linge. L’Ontario a instauré une réglementation similaire en 2008, mais certaines municipalités ont tout de même voté des règlements encadrant l’utilisation des cordes à linge. Ainsi, la municipalité de Mississauga ne permet qu’une seule corde à linge par habitation, et elle doit être à 1,5 mètre ou plus à l’intérieur des limites du terrain.
Pour ma part, je suis très heureuse d’habiter dans un endroit qui permet l’installation d’une corde à ligne et je vais continuer de me prévaloir de ce droit aussi longtemps que mes doigts ne seront pas complètement gelés en étendant ma brassée (généralement vers la mi-octobre). D’ici là, je tâcherai de profiter au maximum de l’été et du soleil.