Le Plan pour une économie verte 2030 est très axé sur la mobilité puisqu'il est question d'électrifier les autobus scolaires, les véhicules commerciaux, les véhicules personnels et, éventuellement, les véhicules lourds. Pour tout le reste, c'est aux consommateurs et aux entreprises de prendre des mesures pour abaisser les émissions de la province plus substantiellement que la réduction de 35 % espérée par le gouvernement.
Sans mesures contraignantes, il y a au moins trois problèmes que ce plan ne réglera pas. S'y attaquer demandera un changement de notre comportement au quotidien. Les voici.
La congestion automobile
Aucune cible obligatoire de réduction des gaz à effet de serre n'est avancée par le plan vert québécois (ni par le plan vert d'Ottawa, d'ailleurs). Aucun changement durable n'est proposé pour changer nos habitudes de mobilité ou de consommation.
Les automobilistes québécois achètent chaque année plus de 440 000 véhicules neufs. Ils contribuent à rendre le parc automobile toujours plus gros. Cela se traduit par des congestions plus fréquentes et des heures de pointe plus longues. Ce qui mène les gens à demander plus de routes, plus de ponts, plus de tunnels.
Les premiers véhicules électriques ont été mis en vente au Québec il y a dix ans et on en compte moins de 100 000 sur les routes à l'heure actuelle. C'est une infime fraction des 6,6 millions de véhicules actuellement en circulation.
Il est illusoire d'imaginer que 100 % des véhicules au Québec seront électriques dans 10 ans. Le parc automobile québécois se renouvelle en 11 ans, en moyenne, et l’offre des fabricants ne sera probablement pas à la hauteur de la demande. Le gouvernement n'interdira pas la vente de véhicules à essence avant 2035, de toute façon.
Autrement dit, il y a toujours plus de véhicules sur les routes, et même si une partie n'émet pas de CO2, les émissions totales ne baisseront pas si rapidement. Il serait plus efficace de réduire carrément le nombre de véhicules sur nos routes.
À la suite de la crise du pétrole des années 1970, puis dans l'émergence des premiers mouvements écolos vers la même époque, on a imposé des normes plus sévères sur les carburants et sur la consommation d'essence. Et pourtant, le transport est encore le principal émetteur de CO2 dans l'air au Québec.
Pourquoi? Parce qu'il y a toujours plus de véhicules sur les routes. Ces véhicules sont plus gros et leurs émissions sont plus élevées que ce qu'annoncent leurs fabricants.
Les gros chars
Au Canada, les normes encadrant la consommation de carburant sont établies par le fédéral, qui imite les normes américaines. Elles ciblent la consommation moyenne de la gamme de véhicules vendus sous une même marque. Les fabricants ont donc la latitude d'offrir des petits véhicules sous-compacts peu énergivores, d'une part, et de l'autre, des véhicules plus costauds et plus gourmands, tout en respectant ces normes.
Tout le monde, ou presque, préfère les plus gros véhicules, d'où la popularité des VUS et des camionnettes. Mais ce ne sont pas ces véhicules qui font baisser la moyenne de consommation du parc automobile. Mazda a beau avoir la gamme la moins énergivore sur le marché, si tout le monde achète des CX-5 et des CX-9, la consommation moyenne des Mazda sur la route sera beaucoup plus élevée que la consommation moyenne de son catalogue, qui comprend des petites berlines et de plus petits VUS qui consomment vraiment très peu.
Quand le prix de l'essence a grimpé en flèche au début des années 2000, bien des observateurs recommandaient de hausser la taxe sur l'essence pour forcer les automobilistes à acheter des véhicules sinon plus petits, du moins plus avares en carburant.
Ça ne s'est jamais produit.
L'électrique aime le plastique
Un des enjeux des voitures électriques est leur autonomie. Pour aller plus loin, ça prend de plus grosses batteries. De plus grosses batteries signifient un poids plus élevé. Pour contrebalancer ce problème, les fabricants troquent des matériaux lourds, comme l'acier, pour des matériaux et des alliages plus légers.
Vous pensez aluminium, carbone et graphite? Ce n'est pas faux. Mais s'il y a un matériau qui permet l'émergence de la voiture électrique plus que tout autre, c'est le plastique. Les véhicules électriques recourent à plus de 350 kilos de plastique dans leur carrosserie, leur habitacle, etc.
C'est trois fois plus que la teneur en polymères d'un véhicule neuf datant de 2013, constate-t-on dans l'industrie. Et c'est une tendance à la hausse.
Pour lutter contre les changements climatiques, on parle souvent de «décarboniser» l'économie. Éliminer les carburants fossiles est une importante partie de ce virage, mais moins recourir aux produits pétrochimiques aussi. Dans ce contexte, les véhicules électriques sont une solution partielle. Ils réduisent les émissions sur la route, mais pas à la source: l’industrie pétrolière.
Le Québec peut se targuer d'être le territoire en Amérique du Nord où les émissions de gaz à effet de serre sont les plus faibles. En revanche, le plastique demeure un problème: on n'en recycle que 18 %.
Électrifier le transport réduira les émissions du Québec de 35 % d’ici 2030, selon les prévisions. C'est bien, mais ce n'est pas assez, préviennent les climatologues. Le reste de l'effort devra venir des consommateurs et du changement de leurs habitudes.
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Alain McKenna traite de la mobilité au sens large depuis plus d'une dizaine d'années, qu'il soit question de transport ou de mobilité informatique... Et comme les deux convergent de plus en plus, il a développé une expertise assez unique au Québec pour traiter à la fois du secteur automobile ainsi que des nouvelles technologies.