Cela fait des années que les dépanneurs Amazon Go proposent une expérience d’achat entièrement sans contact. Sans caisse enregistreuse, en fait. Amazon est un joueur relativement marginal dans l’alimentation. Pas comme Couche-Tard, un des deux plus grands réseaux de dépanneurs sur la planète. Alors, quand Couche-Tard découvre à son tour le paiement sans caisse enregistreuse, c’est un signe que les choses changent…
Il y a un an, des experts s’inquiétaient du fait que la chaîne française d’articles de sport Decathlon n’acceptait pas l’argent comptant à la caisse de son magasin de Brossard, sur la Rive-Sud de Montréal. Inquiétude légitime: on craignait qu’une telle pratique, si elle se répandait, ne complique le quotidien de consommateurs ne possédant pas de compte bancaire ni de carte de crédit. Souvent, ce sont les consommateurs les moins aisés qui tombent dans cette catégorie.
Une expérience «post-pandémique»
Un an et une pandémie plus tard, les paiements sans comptant, voire sans contact, sont devenus autrement plus acceptables. À tel point que l’ouverture d’un prototype du dépanneur du futur sur le campus de l’Université McGill, à Montréal, par Couche-Tard, passe mieux aujourd’hui. Le dépanneur est ouvert au public afin de tester de nouvelles technologies de paiement, comme le paiement «sans friction», c’est-à-dire sans avoir à passer à une caisse enregistreuse pour effectuer ses paiements.
Les clients intéressés n’ont qu’à lancer l’application mobile sur leur téléphone pour que les portes de la partie du commerce appelée Couche-Tard Connecté s’ouvrent. Dans cette section du magasin, des caméras et des capteurs repèrent les articles que les clients prennent sur les rayons pour les déposer dans leur panier. Ceux-ci sont automatiquement ajoutés au panier virtuel du client dans son application et, quand il quitte le magasin avec ses articles en main, le solde est calculé et appliqué à son compte automatiquement.
La question de l’argent comptant n’est même pas évoquée par les chercheurs universitaires qui analyseront le comportement des clients dans ce laboratoire. «À mesure que la société évolue vers une "nouvelle normalité" de distanciation physique, il devient plus important pour les chercheurs et les étudiants d’acquérir des connaissances sur l’expérience d’achat évolutive et de l’avenir», dit Saibal Ray, directeur académique de l’École Bensadoun de commerce au détail de McGill.
Un autre genre de carburant…
Cette expérience ressemble en tous points à celle des dépanneurs Amazon Go qu’on trouve depuis quelques années dans quelques villes des États-Unis. On compte actuellement une trentaine de ces petits commerces seulement, mais leur influence sur l’évolution du commerce de détail est énorme. La raison? En deux ans, leur chiffre d’affaires est passé de 28 millions à 639 millions $ US.
De quoi attirer l’intérêt d’un géant comme Alimentation Couche-Tard, qui veut doubler ses profits d’ici cinq ans. Des profits qui, en gros, dépendent ces jours-ci des ventes de carburant. Or, avec la pandémie qui réduit l’ouverture des commerces et le virage électrique du monde automobile qui s’amorce, les dépanneurs doivent se réinventer.
Un commerce «sans friction» entièrement automatisé présente plusieurs avantages pour un détaillant comme Couche-Tard. Il peut garder ses commerces ouverts plus longtemps et payer moins d’employés. Il peut aussi hausser ses prix, puisque les clients aimant ce type de commerces sont prêts à payer un peu plus cher pour «l’expérience client» proposée.
Surtout: ces commerces peuvent être installés à des endroits où la chaîne Couche-Tard est absente en ce moment. Pensez aux terminaux d’aéroports, aux quartiers plus denses des grandes villes où vendre du carburant est impossible, et ainsi de suite.
En récupérant les données d’utilisation de ses clients, Couche-Tard pourra réorganiser ses rayons pour mettre en vitrine des produits qui se vendront plus rapidement ou plus cher. C’est là-dessus que travailleront les chercheurs de McGill: ils comptent développer une intelligence artificielle conçue sur mesure pour maximiser l’efficacité des dépanneurs de demain.
Car, pour les détaillants, les données numériques sont le carburant de demain. Autant sur Internet qu’en magasin. La pandémie a accéléré ce virage, et Couche-Tard vient de le réaliser.
Au grand dam des consommateurs qui ont l’habitude de payer comptant…
Alain McKenna traite de la mobilité au sens large depuis plus d'une dizaine d'années, qu'il soit question de transport ou de mobilité informatique... Et comme les deux convergent de plus en plus, il a développé une expertise assez unique au Québec pour traiter à la fois du secteur automobile ainsi que des nouvelles technologies.