La réduction par Québec du montant accordé aux acheteurs d’un véhicule électrique était prévue pour le 1er avril, mais a été repoussée au 1er juillet 2022 pour ne pas froisser ceux qui avaient déjà passé une commande et qui doivent attendre avant de conclure la transaction. Les constructeurs souhaiteraient carrément abandonner toute forme d’aide directe à l’achat. Devrait-on les écouter?
Dans son budget pour l’exercice 2022-2023, Québec a annoncé que son aide à l’achat d’un véhicule électrique serait réduite de 1 000 $ pour passer, dans sa formule la plus généreuse, de 8 000 à 7 000 $ (après taxes) pour un véhicule tout électrique et de 8 000 à 5 000 $ pour un véhicule à moteur hybride branchable.
Le gouvernement explique que, les prix ayant baissé dans ce marché, l’aide n’a plus besoin d’être aussi généreuse. À Québec, on a déjà dit dans le passé que cette aide disparaîtra complètement avant 2030. Rendu là, le gouvernement espère que 50 % des véhicules neufs vendus dans la province seront électrifiés.
Au niveau fédéral, l’aide pouvant atteindre 5 000 $ ne change pas.
Ailleurs au Canada, outre le Québec, la Colombie-Britannique offre une aide pouvant atteindre 3 000 $ à l’achat d’un véhicule électrique ou à hydrogène. Sans surprise, c’est au Québec et en Colombie-Britannique qu’il se vend le plus grand volume de véhicules électriques au pays.
Bouquet de solutions
Dans ce contexte, les constructeurs privilégient donc ces deux provinces quand ils lancent de nouveaux modèles zéro émission. C’est ce que fait Hyundai avec le nouvel Ioniq 5. C’est ce que fera Toyota avec son bZ4X plus tard ce printemps.
Toyota Canada n’est pas particulièrement contente d’agir de la sorte. Son vice-président Stephen Beatty déplore notamment le fait qu’une mesure fiscale comme celle mise de l’avant par Québec est trop ciblée et qu’elle va jusqu’à nuire aux efforts de décarbonation de son entreprise.
«Nous croyons qu’il n’y a pas une seule solution pour atteindre une économie sans carbone, mais qu’il faut plutôt considérer un bouquet de solutions et qu’on se trompe en insistant uniquement sur la vente de véhicules à batterie électrique», a-t-il dit en marge d’une conférence de presse présentant entre autres la nouvelle Mirai à pile à hydrogène du constructeur japonais.
Stephen Beatty préférerait voir le gouvernement dépenser sur d’autres éléments tout aussi nécessaires pour éloigner le transport des hydrocarbures. Évidemment, un stimulant pour créer une infrastructure de commercialisation d’hydrogène ferait bien l’affaire de Toyota. La mise au point de carburants synthétiques créés à partir de sources renouvelables et qui permettraient de réduire à presque rien les émissions de véhicules à moteur thermique est une autre option.
Surtout, et c’est là tout le nœud du problème à l’heure actuelle, le dirigeant du plus grand constructeur d’automobiles au Canada préférerait que le gouvernement donne le coup de pouce nécessaire pour accélérer l’approvisionnement et la mise en marché de nouveaux véhicules zéro émission.
Car peu importe l’aide consentie aux consommateurs, la demande pour cette prochaine génération de véhicules moins polluants sera toujours grande. L’offre, elle, est beaucoup plus limitée.
Dans un marché mondialisé comme celui de l’automobile, l’aide à l’achat fournie par le Québec et la Colombie-Britannique ne fait pas pencher la balance en faveur du Canada face à la Norvège ou l’Allemagne. Elle ne fait que concentrer dans ces deux régions une allocation pour l’ensemble du pays qui, elle, demeure la même.
Au Canada!
Ce que dit Toyota Canada cadre avec ce que proposent aussi les principaux promoteurs du mouvement canadien vers l’électrification des transports. À la suite de la publication du budget provincial par Québec, Daniel Breton, président du regroupement sectoriel Mobilité Électrique Canada, a rappelé que la transition électrique peut se faire autrement qu’en aidant les gens à acheter un nouveau véhicule.
Daniel Breton demande au gouvernement de mettre en place une norme sur les véhicules zéro émission qui obligerait les constructeurs à respecter un seuil minimal de ventes de ces véhicules au pays. Il mettrait aussi en place une mesure «fiscalement neutre» qui pénaliserait l’achat de véhicules plus énergivores et qui récompenserait l’achat de véhicules zéro émission.
Il ajoute qu’une aide plus substantielle à l’installation de bornes de recharge serait aussi une bonne chose. Cette aide pourrait aussi, pourquoi pas, couvrir l’installation de bornes domestiques. Mobilité Électrique Canada pense qu’une campagne d’éducation nationale en électrification des transports est également nécessaire.
Ces jours-ci, on pourrait faire d’une pierre deux coups en abaissant le coût du transport en commun. Cela ferait aussi l’affaire d’automobilistes dont le budget est mis en péril par la hausse du coût de l’essence. C’est une mesure qui a d’ailleurs été adoptée par d’autres villes en Amérique du Nord, dont Chicago.
Toutes ces mesures ont un autre avantage sur une aide directe à l’achat d’un bien qui coûte dans bien des cas plus de 50 000 $: elle profiterait à un plus grand nombre d’individus, y compris ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter un véhicule neuf.
Sinon, peut-être qu’une aide à l’achat de vélos électriques, une idée qui a récemment été avancée par des adeptes du transport actif, devrait aussi être envisagée. Il en existe d’ailleurs de très bons…