Les consommateurs québécois ont droit à des incitatifs gouvernementaux parmi les plus généreux en Amérique du Nord lorsque vient le temps d'acheter un véhicule électrique neuf. Mais si on veut réellement donner un coup d'accélérateur sur l'électrification, il faudra en faire plus du côté des véhicules usagés.
On l'illustre de tout plein de façons dans le dossier sur les véhicules électriques de l'édition de juillet du magazine Protégez-Vous: de façon générale, le coût total d'utilisation d'un véhicule électrique neuf est inférieur à celui d'un véhicule à essence comparable au bout de cinq ans.
Dans le cas de la Chevrolet Bolt 2022, que General Motors mettra en marché dans les prochaines semaines à un prix de détail 8 000 $ moins élevé que sa version précédente, les acheteurs qui parcourent juste assez de kilomètres pourront même se vanter d'économiser au bout d'un an.
Cette tendance à la baisse du coût des véhicules électriques neufs justifie la décision du gouvernement du Québec d'interdire à partir de 2035 la vente de véhicules neufs à moteur thermique. D'ici là, les prix et la performance vont s'améliorer suffisamment pour que la question sur le coût total d'utilisation ne se pose plus.
Usagé: moins cher, plus compliqué
Il existe un autre moyen de payer moins cher pour une voiture électrique: l'acheter en version usagée. Comme une voiture à essence, elle se déprécie à mesure que le temps passe. Comme une voiture électrique neuve, certains modèles ont aussi droit à une aide à l'achat pouvant atteindre 4000 $.
Mais les conditions pour être éligibles à cette aide sont sévères. Peut-être trop.
De la façon dont le programme provincial est fait, il ne s'applique qu'à certains modèles qu'on doit acheter à l'extérieur de la province du Québec, que ce soit ailleurs au Canada ou aux États-Unis, puis importer chez nous. Cette mesure a été mise en place pour éviter au gouvernement de subventionner deux fois le même véhicule, une première fois lorsqu'il est neuf et une seconde fois sur le marché de l'occasion.
Dans le cas de véhicules achetés aux États-Unis, ce ne sont pas tous les fabricants qui honorent la garantie de base une fois la frontière franchie. Kia, Mitsubishi, Mercedes-Benz et Volkswagen ne le font pas.
Le véhicule usagé considéré ne doit pas être trop vieux non plus. Le site du gouvernement québécois qui dresse la liste des modèles admissibles ne comprend que des véhicules d'années-modèles 2017 et 2018.
Aussi: le véhicule usagé en question doit être exclusivement électrique. Les hybrides branchables et certaines versions «à autonomie prolongée» de véhicules électriques, comme la diminutive BMW i3 avec le système REx de BMW (pour «Range Extender») ne sont pas admissibles à l'aide à l'achat non plus.
Un vide à combler
Si l'objectif du gouvernement est de réellement accélérer la transition vers la mobilité électrique, il doit absolument bonifier son programme aidant l'achat de véhicules usagés électriques. En automobile, le marché d'occasion est énorme. C'est un angle mort gigantesque qui nuit à l'atteinte de cibles écologiques qui n'ont absolument rien d'économiques. L'Accord de Paris ne se calcule pas en point de pourcentage du PIB national, mais en kilotonnes de CO2 envoyées dans l'atmosphère.
En 2035, les véhicules à essence continueront d'être nombreux sur nos routes malgré la loi et les investissements du gouvernement. Sauf si on remplace les véhicules déjà sur la route par des véhicules moins polluants. Les gens qui ne souhaitent pas payer 40 000 $ à l'achat pour une voiture sont nombreux et considéreront toujours leur portefeuille avant l'environnement.
Pour aider ces gens-là, il existe des pistes de solution. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait lui aussi donner un coup de pouce en facilitant la revente de véhicules électriques usagés partout sur le territoire canadien. Et même au niveau provincial, certaines pistes n'ont pas été suffisamment explorées, croit Daniel Breton, PDG de l'organisme Mobilité électrique Canada (MEC).
Première piste de solution: inclure les hybrides branchables usagés dans l'aide à l'achat. «Tu veux encourager les gens qui ne veulent pas un 100 % électrique à faire la transition vers une hybride branchable», dit-il. Bien utilisés, ces véhicules peuvent réduire de 75 % la consommation moyenne d'un automobiliste.
Des véhicules comme la Chevrolet Volt qui offrent 50 à 60 kilomètres en mode tout électrique pourraient soudainement changer de mains et remplacer des véhicules strictement à essence.
Deuxième solution: envoyer un chèque aux particuliers qui achètent une voiture électrique usagée d'un autre particulier. Le programme actuel exige d'acheter d'un commerçant. La SAAQ devra être vigilante pour éviter les tentatives de fraudes, mais c'est faisable. «Ça se fait avec succès dans d'autres marchés», indique Daniel Breton.
Troisième et quatrième solutions: être plus généreux pour l'achat et l'installation d'une borne de recharge à la maison. Ou pour les gens que ça n'intéresse pas, financer l'emprunt d'un véhicule de plus grande capacité pour combler les limites des véhicules électriques plus âgés qui ont souvent une autonomie plus courte.
Savoir qu'on peut emprunter une camionnette pour aller chercher des boîtes chez Rona ou chez Ikea va rassurer tous les propriétaires d'un VUS qui aimeraient posséder une auto électrique mais qui redoutent son rangement réduit.
Évidemment, rien de tout ceci n'est parfait. Mais d'ici 2035, pas mal tous les automobilistes québécois vont probablement changer de voiture au moins une fois. Ceux qui ont les moyens d'acheter une auto neuve pourront s'électrifier rapidement. Les autres? C'est moins sûr.
À moins d'agir rapidement pour les aider à s'électrifier, eux aussi.