Montréal est vélo. Pas besoin de chercher loin pour en trouver des exemples. Le réseau express vélo montréalais est l’un des plus étendus en Amérique du Nord. Le circuit Oka–Mont-Saint-Hilaire aura cinq ans cet été. Et pourtant, Montréal n’est pas prête pour la «vraie» révolution, celle qui promet de résoudre à la fois les enjeux de mobilité active, de densification urbaine et de la consommation de proximité: le vélo électrique.
S’il y a une chose que démontre le récent dossier comparatif sur les vélos électriques publié dans les pages de Protégez-Vous, c’est que ce n’est pas le choix de vélos à assistance électrique qui manque. Soyons exact: ce ne sont pas les modèles différents qui manquent dans les catalogues des fabricants.
Mais les vélos en tant que tels, eux, souffrent du même manque de pièces et d’approvisionnement que bien d’autres biens de consommation à l’heure actuelle, si bien qu’ils sont difficiles à trouver. Dès les premières journées un peu plus chaudes du mois de mai, la société Louis Garneau avertissait sa clientèle que ses stocks pour l’été 2022 étaient épuisés et que ceux qui prévoyaient s’en procurer un pour 2023 devaient déjà songer à le précommander.
Les exposants de vélos électriques présents au Salon du véhicule électrique de Montréal au début de mai avaient le même message à passer: dépêchez-vous, les inventaires sont minces.
Bref, il y a pénurie de vélos électriques. Mais cette pénurie est bien temporaire.
Véritable transport actif
Ce qui l’est moins, c’est l’impact que ce moyen de transport nouveau genre risque d’avoir sur le réseau de transport des grandes villes dans le monde. Y compris Montréal. Pour bien des gens, vu l’absence concrète d’une offre électrifiée du côté des petites et grandes motos, c’est le meilleur moyen de se déplacer sur deux roues tout en évitant la grosse bande de sueur dans le dos une fois à destination.
Si l’on n’a pas à ce jour essayé un tel vélo sur une durée prolongée, on peut peiner à le comprendre. Mais, contrairement au vélo tout court, plusieurs vélos à assistance électrique sont conçus pour être un moyen de transport plutôt qu’un objet de loisir ou d’activité physique.
L’attrait de l’électrification dans les vélos ne fait plus de doute. Ce n’est pas pour rien que les BIXI s’électrifient le plus rapidement possible. Pas de surprise non plus de voir le géant américain Lyft racheter le fabricant montérégien PBSC Solutions, qui a mis au point les outils nécessaires pour déployer dans des villes partout sur la planète non seulement une flotte entière de vélos électriques en libre-service, mais aussi les bornes et les chargeurs nécessaires pour qu’ils soient toujours prêts à partir.
Prévoyons tout de suite la réplique de ceux qui voient systématiquement des problèmes quand on leur offre des solutions: il existe des vélos électriques pouvant transporter des enfants et des vélos-cargos permettant de faire son épicerie sur deux roues. Il existe aussi des accessoires pour vélos qui permettent de faire tout ça, comme il existe des accessoires pour la voiture qui font la même chose.
C’est ça, la révolution. Un résident de Longueuil propriétaire d’un vélo électrique peut se rendre au centre-ville de Montréal plus rapidement en pédalant doucement sur son vélo qu’il le ferait en empruntant sa voiture. Il pourra ensuite retourner à la maison en empruntant la partie de la fameuse rue Saint-Charles maintenant interdite de circulation aux voitures…
Sauf que…
Malheureusement, cette révolution ne se produira pas seule. Des vélos électriques, surtout si on compte les voir en grand nombre sur le pavé, et encore plus si ceux-ci prennent la forme d’un vélo-cargo, ça prend de la place. Les étroites pistes cyclables peintes au sol en bordure de route, comme celle qui relie Oka au Mont-Saint-Hilaire, et la voie cyclable du pont Jacques-Cartier, démontrent que l’infrastructure cyclable du grand Montréal n’est pas prête pour un afflux de e-vélos.
Allons plus loin et ajoutons que les vendeurs et les réparateurs de vélos ne sont pas davantage prêts pour la demande en entretien et en réparation que susciterait un virage électrique sur deux roues.
Ce problème prend deux formes. La première: certains vélos électriques ont besoin de pièces difficiles à trouver en boutique, comme une chaîne plus longue que ce que vendent des détaillants pourtant spécialisés dans le vélo. La seconde: par manque de main-d’œuvre, plusieurs réparateurs refusent les clients qui n’ont pas acheté leur vélo chez eux. Certains repoussent carrément les propriétaires de vélos à assistance électrique.
Ironiquement, il y a une résistance à l’électrification dans le vélo qui s’avère très semblable à celle qu’on voit depuis trop longtemps dans le monde automobile.
Et pourtant, le mouvement vers l’électrification dans les deux cas semble inévitable. Car il répond à une demande des consommateurs bien simple: pouvoir se déplacer en ville sans trop d’effort, de façon moins polluante ou plus active.
Les urbanistes n’hésitent pas une seconde à ajouter des voies d’autoroutes là où ils prévoient un accroissement de la circulation automobile. «Build it and they will come», disait Kevin Costner dans l’un de ses premiers films. Ce qui vaut pour les vieilles équipes de baseball vaut pour les automobiles… et ça vaut aussi pour les vélos actuels, et surtout, pour les vélos de prochaine génération.
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