On ne le voit pas toujours clairement, mais il existe un lien entre le véhicule qui dort dans votre entrée de garage et la façon dont certains investisseurs boursiers font pour gagner de l'argent rapidement et sans trop de scrupules.
C'est d'autant plus vrai si votre véhicule se trouve à être électrique, et qu'il est de marque Tesla.
Encore aujourd'hui, et malgré sa hausse fulgurante des derniers mois, le titre de Tesla est de loin le préféré des vendeurs à découvert à la Bourse de New York. En gros, une vente à découvert se produit quand on vend à un prix déterminé d'avance un bien ou une action qu'on ne possède pas au moment de le vendre. L'objectif du vendeur est de pouvoir acheter dans un avenir proche à un prix moindre que celui auquel il vend.
Autrement dit, en Bourse, on vend à découvert les actions d'une société qu'on espère voir faire moins bien que prévu. Certains spéculateurs ont assez d'influence pour provoquer eux-mêmes la baisse d'un titre, en publiant une mauvaise nouvelle ou en posant des questions embêtantes pour l'entreprise ciblée.
Quand cette stratégie réussit, le vendeur à découvert empoche gros. À l'inverse, quand le titre visé garde sa valeur, il risque de devoir racheter à un prix plus élevé que celui prévu, et ainsi perdre de l'argent. C'est ce qui s'est produit avec Tesla cet été: une bonne partie de sa prise de valeur provenait du rachat forcé par des spéculateurs qui ont fait une mauvaise prédiction, ce qui fait automatiquement grimper sa valeur.
Tesla dégage des profits depuis un an. Ça a fait mordre la poussière à plus d'un vendeur à découvert. Mais ceux-ci n'ont pas dit leur dernier mot: la raison pour laquelle Tesla n'est pas dans le rouge est parce qu'elle empoche tous les trois mois plusieurs dizaines de millions de dollars en crédits de carbone, que lui achètent d'autres entreprises désireuses d'amoindrir leur empreinte écologique.
Les détracteurs de Tesla sortiront cet argument pour essayer de faire plonger la société californienne en Bourse. C'est de bonne guerre. La vente à découvert n'a pas vraiment d'effet direct sur les opérations d'une entreprise, mais elle peut avoir des effets indirects notoires. C'est un vendeur à découvert qui a fait péter les plombs à Elon Musk, en 2018.
Il a dû quitter son poste de président du conseil d’administration (il est demeuré PDG).
De Tesla à Nikola
Tesla n'est évidemment pas la seule à avoir des investisseurs pessimistes sur le dos. D'autres marques de véhicules, électriques ou pas, sont aussi dans leur mire. Leur position sur les sociétés émergentes est toutefois beaucoup plus grande: elle représente de 7 à 20 % des actions disponibles pour ces petites entreprises, ce qui est beaucoup plus important que dans le cas de Ford (3 %) ou General Motors (1,6 %).
Tesla porte son nom en hommage à l'inventeur serbo-américain Nikola Tesla. Un autre constructeur américain qu'on a appris à connaître récemment a fait de même: Nikola. Établi à Salt Lake City, Nikola entend commercialiser une camionnette électrique l'an prochain, et une version à hydrogène dans trois ans.
C'était le plan jusqu'au début septembre, quand un vendeur à découvert a lancé une bombe: Nikola bluffe le marché et n'a aucune technologie qui lui est propre. Depuis, le PDG de Nikola est parti (il doit aussi faire face à des accusations d'agression sexuelle…) et la valeur de son action a chuté de 90 %.
La nouvelle direction dit n'avoir rien à se reprocher. Elle venait de signer une entente avec General Motors pour produire sa camionnette. L'entente n'est pas tombée à l'eau, mais GM veut revoir à la baisse, plus que substantiellement, son investissement dans le projet.
Le dévoilement de la camionnette Badger était prévu au début décembre. Il a été repoussé à 2021, mais on ne sait pas quand.
Bref, c'est le fouillis. On a hâte de voir la conclusion de cette histoire, car l'entrée en Bourse de Nikola s'est faite d'une façon pas tout à fait régulière, plus tôt cet été. L'entreprise a fusionné avec une société cotée à Wall Street dont le seul rôle était d'offrir sa place, pour ainsi dire, à une entreprise comme Nikola. Ça a plein d'avantages, dont celui de permettre une entrée en Bourse moins remarquée qu'une inscription traditionnelle.
Nikola avait-elle quelque chose à cacher? C'est à suivre. Si c'est le cas, le signal d'alarme lancé par un investisseur sceptique aura joué un rôle bénéfique dans cette histoire.
De New York à Saint-Jérôme?
Bien des gens au Québec espèrent que le virage électrique dans la mobilité mondiale permettra l'émergence d'une grappe de sociétés d'ici spécialisées dans divers sous-secteurs de cette industrie. Ça va des mines de lithium aux fabricants de véhicules. Des véhicules commerciaux – Québec a compris que l'automobile était réservée au sud de l'Ontario.
Le fleuron de cette industrie semble être la Compagnie Électrique Lion, de Saint-Jérôme. Celle-ci conçoit un autobus et un camion lourd électriques. L'entreprise a livré ses premiers exemplaires au Canadien National il y a quelques semaines. Amazon devrait recevoir les siens avant la fin de l'année.
Bref, ça roule pour Lion. Et pour assurer sa croissance, Lion pense à s'inscrire à la Bourse de Toronto.
Le contexte s'y prête: les énergies propres et le transport électrique ont la cote. Bien des investisseurs partout dans le monde veulent sortir des énergies fossiles en misant sur ces secteurs. Bref, pour Lion, c'est tentant.
Le fabricant de Saint-Jérôme devra aussi s'attendre à avoir des requins à ses trousses. Son président a d'ailleurs récemment dit que la décision finale n'était pas encore prise. On le comprend: la Bourse est attrayante, mais vient avec des risques qui semblent plus grands pour des sociétés comme la sienne.
Remarquez, un lion n'a peut-être pas peur d'affronter des requins…
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