Le coût du carburant est, depuis 40 ans au moins, le facteur qui influence le plus l'évolution du design automobile. Et ce sera encore le cas dans les prochains mois. Sauf que le résultat pourrait être bien différent des fois précédentes… où on assistait massivement au retour de véhicules plus gros, plus lourds et plus gourmands dès les premiers signes d'essoufflement du prix du pétrole.
Ces jours-ci, le litre d'essence à moins d'un dollar rend les gros VUS plus attrayants pour bien des acheteurs, c'est sûr, mais à un peu plus long terme, ça pourrait aussi rendre les véhicules électriques plus accessibles.
Pourquoi? Parce que le virage électrique est juste assez amorcé, dans l'industrie, pour que plusieurs fabricants refusent de faire marche arrière sur leurs plans d'électrification. On va probablement étirer le calendrier de mise en marché, ralentir la cadence de production, et ainsi de suite… mais des fabricants souhaitant profiter d'une reprise économique qu'on promet spectaculaire, l'automne et l'hiver prochains, pourraient être tentés, dans la foulée, de baisser les prix de leurs modèles à batterie déjà existants.
Pensez à tout le battage médiatique que Ford a fait autour du VUS électrique Mustang Mach-E, qu'on verra sur la route d'ici un an. Imaginez-vous le groupe de Dearborn, au Michigan, carrément annuler sa venue? Même chose pour Cadillac en particulier et le groupe General Motors en général: des milliards de dollars ont été investis pour développer plusieurs nouveaux modèles, d'ici deux ans. Des usines ont été fermées et sont en train d'être réoutillées pour remplir ces promesses.
Tous les fabricants ont fait des promesses du même genre qui, si on les additionne toutes, représentent 300 milliards de dollars US. C'est énorme! Assez pour que Reuters, qui a fait ce calcul, ne voie pas l'industrie revenir en arrière.
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Peser sur l'accélérateur
La semaine dernière, malgré un dollar canadien pas très vigoureux, Tesla a baissé ses prix. Le groupe californien a retranché entre 1 000 et 3 000 $ sur le prix de plusieurs de ses modèles vendus chez nous, l'exception étant le nouveau VUS Model Y. Dans au moins un cas, celui de la berline Model S à longue autonomie, ça s'ajoute à un prix déjà révisé plus tôt en 2020, pour un rabais dépassant les 10 000 $, si on compare avec ce que Tesla demandait il y a un an exactement (105 990 $ vs 116 190 $).
Tesla tente ainsi de récupérer une partie des ventes perdues au cours des trois derniers mois, en raison de la pandémie. Le fabricant ne sera pas seul à vouloir accélérer la cadence, cet automne et l'an prochain. On estime que les ventes mondiales de véhicules électriques auront dégringolé de 43 %, en 2020. On peut blâmer le coronavirus, car en janvier et février, les ventes étaient bien supérieures à ce qu'elles avaient été un an plus tôt.
Ce qui pourrait se produire, en fait, c'est un ajustement des prix à la baisse, pour attirer un peu plus d'acheteurs, dans un marché où les véhicules à essence bénéficient de meilleures conditions (comme le bas prix de l'essence).
Avant la pandémie, les experts prédisaient que le prix de détail des véhicules électriques serait égal à celui des véhicules à essence au plus tard dans cinq ans. Cette prédiction reposait sur une évolution «normale» de la technologie, qui rendra la production de véhicules électriques moins coûteuse.
Ils ne tenaient pas compte de facteurs imprévisibles comme les effets d'une pandémie mondiale provoquée par un virus inconnu. Et parmi ces effets, la chute inédite du coût d'une visite à la station-service est peut-être la plus surprenante. C'est pourtant elle qui, ironiquement, pourrait aider à accélérer ce virage, en forçant les vendeurs d'autos électriques à réduire les prix plus tôt que prévu.
Qui s'en plaindra?