D’un côté, plus de 150 marchands d’automobiles – et certains parmi les plus importants au Québec – sont accusés d’imposer des frais illégaux à leurs clients. De l’autre, les constructeurs sont critiqués pour le marketing excessif de leurs véhicules les plus polluants. Au cœur du problème: la publicité.
Interrogé à propos de la publicité trompeuse, George Iny, directeur de l’Association pour la protection des automobilistes (APA), déplore l’inaction des regroupements de marchands de véhicules neufs et d’occasion dans ce dossier. «Un petit groupe de contrevenants est en train de donner mauvaise réputation à l’ensemble du secteur», déplore-t-il. Il croit que le gouvernement devra probablement intervenir à nouveau pour assurer une plus grande transparence dans la publicité automobile.
C’est cependant plus facile à dire qu’à faire, car la publicité automobile est complexe.
Des frais, encore des frais
En principe, au Québec, les vendeurs de véhicules doivent afficher le prix final dans leurs publicités. Cela comprend non seulement la publicité qu’on voit à la télé et dans les quotidiens, mais aussi dans les petites annonces. Le hic: certains ont été pincés à tricher en exigeant des frais cachés.
Par exemple, sur le Web, les annonces de véhicules d’occasion des commerçants sont amalgamées par des sites spécialisés qui recensent également les véhicules vendus par des particuliers.
Notamment parce qu’ils veulent bien paraître sur ces sites qui leur fournissent un important lot de clients potentiels, des commerçants y affichent des véhicules à un prix qui n’est malheureusement pas le prix final demandé à l’acheteur. S’y ajoutent, à l’étape de signer le contrat de vente, des frais artificiels de quelques centaines de dollars. Une pratique interdite par la Loi sur la protection du consommateur (LPC).
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Action collective contre des vendeurs automobiles
Devant cette situation, un cabinet d’avocats montréalais a décidé cet été d’intenter une demande d’action collective qui ciblait à l’origine 103 marchands d’automobiles. Cet automne, une cinquantaine d’autres commerçants a été ajoutée à la liste.
Le cabinet a relevé 13 façons dont ces vendeurs surnomment ces frais qu’ils ajoutaient en cours de négociation. Cela va des frais d’administration aux frais «bon départ», en passant par des frais de préparation et de transport, qui sont spécifiquement visés par la LPC.
Ces frais ajoutés au prix annoncé sont illégaux. Mais ce ne sont pas les seuls frais «cachés» par les vendeurs d’automobiles. Dans un dossier paru le printemps dernier dans le magazine Protégez-Vous, on recensait d’autres méthodes utilisées par les constructeurs d’automobiles et les concessionnaires pour faire payer plus cher les véhicules qu’ils vendent.
Parmi ces astuces se trouve un coût additionnel de plusieurs centaines de dollars pour une couleur de carrosserie qui n’est pas celle du modèle de base. Cette couleur peut être celle du véhicule présent dans la publicité où on affiche pourtant un prix de base sans ces frais.
Une autre pratique: avoir au catalogue un modèle d’entrée de gamme à un prix fort compétitif qui n’est tout simplement pas tenu en stock, ou carrément absent des sites de vente.
Des publicités trompeuses?
Mais le malaise avec la publicité automobile va plus loin. Ces jours-ci, des organismes de défense environnementale exigent du gouvernement qu’il interdise les publicités mettant en vedette des véhicules utilitaires sportifs (VUS), car, selon eux, ces publicités sont complètement irréalistes. On voit ces camions de 2 000 kg dévaler des dunes dans le désert, remonter des cours d’eau dans les Rocheuses, etc., alors qu’on sait très bien que la plupart de leurs acheteurs auront pour seul défi de traverser l’heure de pointe en solo…
Pour corriger ce problème, il faudra certainement recourir à une série de solutions. La première: rappeler aux consommateurs que la publicité n’est pas la réalité. Avez-vous déjà vu un Big Mac commandé au comptoir qui ressemblait à celui que McDonald’s montre dans ses pubs?
La même chose tient pour les automobiles: on ne vous vantera pas les mérites d’un nouveau modèle en le présentant immobile, accumulant la poussière dans une entrée de garage, là où il passera probablement plus de 80 % de sa vie utile.
George Iny n’a pas tort quand il dit que les autorités devront y voir. Les automobilistes québécois sont accros à des véhicules sans cesse plus gros et plus polluants, dont l’impact sur la qualité de l’air ainsi que sur la santé humaine en milieu urbain est longuement documenté.
C’est une dépendance qui est artificiellement stimulée par des publicités irréalistes, parfois carrément trompeuses. Ce ne serait pas la première fois qu’on encadre la promotion d’un produit jugé néfaste pour la société…
Voilà deux situations qui ne sont pas couvertes par la loi. Parce que, dès que la loi est modernisée pour inclure les plus récentes pratiques jugées suspectes, des annonceurs trouvent de nouveaux moyens pour la contourner.
Bref, encadrer plus sévèrement la publicité automobile peut être une solution, mais elle pourrait aussi bien créer de nouveaux problèmes. L’idéal, évidemment, serait de mettre fin à notre dépendance envers l’automobile en offrant de meilleures solutions de mobilité.
Le Québec est-il prêt à effectuer un tel virage?